François Boisrond : La vie en gros plan
À Sète, le Musée Paul-Valéry invite à découvrir la peinture très imagée et évolutive de François Boisrond, sous forte influence du cinéma.
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Surplombant Sète, un peu en retrait du majestueux cimetière marin, le Musée Paul-Valéry accueille une rétrospective consacrée à François Boisrond. Né en 1959, fils du cinéaste Michel Boisrond et de la scénariste Annette Wademant, celui-ci manie pinceaux et couleurs (entre autres outils) depuis une quarantaine d’années. Avec Robert Combas, les frères Hervé et Richard Di Rosa, Catherine Viollet ou encore Rémi Blanchard, il fait partie de cette génération d’artistes – regroupée sous le nom de figuration libre – qui a fait jaillir, au début des années 1980, une nouvelle forme d’expression picturale, très graphique, débordant de spontanéité joyeuse et irrévérencieuse.
Si François Boisrond reste associé d’abord à cette constellation multicolore, il s’en est pourtant détaché et, s’affirmant ainsi une figure réellement libre, s’est employé à diversifier toujours davantage sa palette. Aujourd’hui âgé de 63 ans, il cherche encore à se renouveler, en particulier via la technologie numérique. « J’ai toujours été insatisfait de mon travail, ce qui explique ce besoin perpétuel d’évoluer, d’avancer, d’expérimenter », déclare-t-il.
Rassemblant plus d’une centaine d’œuvres, la rétrospective présentée au Musée Paul-Valéry – dont le commissariat a été assuré par Stéphane Tarroux, directeur de l’établissement – propose un parcours chronologique, découpé en six grandes étapes thématiques, à travers l’univers de François Boisrond. Celui-ci installe en outre son atelier au sein de l’exposition, comme il a déjà pu le faire par le passé, notamment en 2006 à Berlin (Martin-Gropius-Bau).
Centrée sur la période 1979-1987, la première partie de l’exposition – sans conteste la plus foisonnante – reflète une créativité débridée. Peignant à l’acrylique sur des supports variés (papier, toile, papier journal, carton…), le jeune Boisrond réalise des fresques ou saynètes hautes en couleurs, riches en détails et pleines de mouvements, influencées par la peinture primitive autant que par les arts visuels les plus contemporains (cinéma et télévision en particulier). Son style d’alors évoque souvent celui de Keith Haring, en pleine percée à la même époque de l’autre côté de l’Atlantique.
La deuxième partie embrasse un spectre temporel plus large (1987-2002) et se focalise sur Paris, ville natale de l’artiste, qui stimule fortement son désir de peindre durant ces années-là. « Les panneaux publicitaires JCDecaux, les contractuelles en uniforme bleu, les kiosques, les magasins, les enseignes… étaient autant de petits plaisirs visuels que je voulais partager, explique François Boisrond. Paris m’apparaissait comme une sorte de jardin en friche où avait soudainement poussé la modernité. »
Entre réalisme et stylisation, l’artiste livre des instantanés variés de la capitale, captés sur le vif et minutieusement (re)composés. Durant les phases préparatoires du processus créatif, il utilise un appareil photo Polaroid puis, à partir de la fin des années 1990, une caméra vidéo HD. Devenue essentielle dans son rapport à la peinture, la technologie numérique lui permet de modeler en profondeur la matière plastique et d’atteindre une précision extrême dans la gamme chromatique.
Sa production postérieure à l’an 2000 révèle en outre une influence de plus en plus prégnante du cinéma. On la perçoit ici de manière remarquable via la séquence intitulée « Passion », qui présente une série de toiles inspirées par le film homonyme de Jean-Luc Godard, dans lequel un réalisateur cherche à traduire des tableaux en langage cinématographique. -Prenant Myriem Roussel, l’une des interprètes féminines de Passion (le film) comme modèle central de ces toiles, François Boisrond tend, pour sa part, à composer de la peinture avec du cinéma et y parvient superbement.
En fin de parcours, deux séries (« Uniformes » et « La vie des saints ») approfondissent encore davantage cette relation peinture-cinéma. Elles donnent à voir des œuvres très récentes, pour certaines inédites, conçues à partir de courts-métrages vidéo tournés par Boisrond avec des élèves des Beaux-Arts ou des personnes de son entourage proche : d’authentiques tableaux vivants, à la fois minutieux et malicieux, empreints d’ironie (« Uniformes ») ou de mélancolie (« La vie des saints »).
Tout au long de l’exposition, au-delà des dissemblances parfois criantes, se manifeste une dynamique prospective qui fait toute la singularité insaisissable – et passionnante – de François Boisrond.
Exposition François Boisrond Jusqu’au 6 novembre, Musée Paul-Valéry, Sète, museepaulvalery-sete.fr