« La Fête des roses », de Sylvain Maurice : Solo pour une guerrière
Sylvain Maurice adapte Penthésilée, d’Heinrich von Kleist. Sa Fête des roses offre à Norah Krief un passionnant terrain de jeu.
dans l’hebdo N° 1713 Acheter ce numéro
Si le covid a causé la suppression de nombreux spectacles, il est aussi à l’origine de certains autres. La Fête des roses, mis en scène par Sylvain Maurice, qui s’apprête à quitter le Théâtre de Sartrouville, qu’il dirige depuis 2013, est de ces « enfants » de la pandémie. Comme beaucoup d’entre eux, il s’agit d’un monologue. La comédienne Norah Krief y interprète une adaptation du Penthésilée d’Heinrich von Kleist (1777-1811), centrée sur la reine des Amazones qui donne son nom à la pièce. Elle n’est toutefois pas seule en scène : comme pour témoigner de l’ambitieux projet mort-né de Sylvain Maurice, dont La Fête des roses prend la place – sa mise en scène du chef-d’œuvre de Kleist aurait dû voir le jour début 2020 –, les musiciens Rishab Prasanna et Dayan Korolic accompagnent Norah Krief dans sa traversée du drame, à laquelle elle donne une allure très personnelle.
Dès son entrée dans l’arc de cercle constitué de lumières type néon qui lui sert de plateau, l’actrice manifeste avec humour une certaine distance vis-à-vis du texte de Kleist, situé quant à lui dans une Antiquité parfaitement réaliste, en pleine guerre de Troie. « Au moment où commence cette histoire, Troie est assiégée : les Grecs entourent la ville, et sur un promontoire un peu à l’écart, des généraux grecs font un point sur l’état de la guerre. Bon, vous allez voir, au début c’est un peu confus, mais au fur et à mesure de la pièce cela s’éclaircit, enfin j’espère », nous dit Norah Krief, juchée sur des talons aiguilles qui jurent joliment avec son pantalon militaire et coiffée d’une drôle de toque surmontée d’une plume. Dans ce costume composite, l’artiste échappe à l’époque de Penthésilée comme à la nôtre. Devenant conteuse et passeuse d’une histoire qu’elle semble découvrir au fur et à mesure qu’elle la dit.
Dans sa manière de mêler musique et parole, La Fête des roses tient du rituel. La pièce offre un écho à la cérémonie qui lui donne son titre : un rassemblement d’Amazones destiné au choix des territoires à envahir afin d’enlever des hommes dans la force de l’âge. La société féminine très autonome dirigée par Penthésilée nous apparaît dans toute sa singularité. En portant la parole de tous les personnages de cette histoire d’amour impossible – la reine tombe amoureuse d’Achille, mais ne peut céder à sa passion sans enfreindre une loi ancienne de son peuple interdisant aux guerrières de choisir leurs mâles –, c’est aussi d’elle que parle la comédienne, qui excelle au plateau comme sa reine brille au combat.
La Fête des roses, jusqu’au 29 juillet à 13 h 30, relâche les 12, 19 et 26, Le 11·Avignon, 04 84 51 20 10, www.11avignon.com