Mirage du geyser
Face aux phénomènes météorologiques extrêmes, les services de l’État font défection.
dans l’hebdo N° 1714 Acheter ce numéro
Les canicules charrient désormais leurs lots de clichés, inlassablement ressassés sur les chaînes d’infos en continu : dans les quartiers pauvres, de jeunes adultes et quelques adolescents, écrasés de chaleur dans des paysages urbains pollués et dénués de verdure, déverrouillent des bouches à incendie. Les geysers qui jaillissent immanquablement sont l’occasion de filmer quelques belles images qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux. Sur les plateaux de télévision, des « spécialistes » autoproclamés viennent déplorer le gâchis et « l’ensauvagement » de ces « gens-là » qui « décidément ne respectent rien ». S’il est inutile et absurde à tous points de vue d’ouvrir ainsi ce type de vannes sur la voie publique, la nature de cette dégradation mérite d’être disséquée. Dans les quartiers populaires, les habitants sont désormais confrontés à des situations dangereuses, générées par la mauvaise qualité de leur logement. Le paysage urbain vieillissant n’est pas adapté pour résister à des températures extrêmes, encore moins lorsque celles-ci s’étalent sur plusieurs jours. Qui n’a jamais vécu à plusieurs une canicule dans un appartement exigu et dans lequel les murs de béton mal isolés continuent de diffuser la chaleur en plein milieu de la nuit devrait se garder de tout jugement hâtif.
Face à ces phénomènes météorologiques extrêmes, dont la violence et l’accélération de la fréquence alarment même les spécialistes les plus pessimistes, les services de l’État font défection. Le nouveau ministre de la Santé, François Braun, ne s’est livré à aucune communication sur le sujet. Pas davantage que les services dont il a la charge. Seule ressource à la disposition du public, un communiqué datant du 16 juin dernier publié sur le site Internet du ministère, dans lequel figurent les recommandations de base. Un numéro de plateforme téléphonique y est indiqué : 0 800 066 666. Comble de « malchance », lorsque l’usager tente de joindre le téléservice en question, il découvre qu’il est désormais fermé. On lui suggère alors de… consulter la page web sur laquelle apparaît le numéro qu’il vient de composer, en vain.
Il y aurait pourtant beaucoup à proposer pour aider les plus fragiles à traverser ces épisodes. Par exemple, proposer des lieux publics climatisés réservés à nos anciens, aux personnes malades et aux enfants en bas âge. Ou instaurer un système de veille collective afin que ne se reproduise pas la vague de décès de 2003, encore présente dans les mémoires. En cas de malaise, le gouvernement vous incite à composer le 15, dont le rôle est désormais de filtrer les entrées aux urgences constamment engorgées des hôpitaux publics. La décomposition de notre système de soins s’accélère. Jusqu’à quand l’accepterons-nous ?
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