Monkeypox : Aides appelle à la vigilance
Ce virus mal connu se répand de façon exponentielle et touche particulièrement la communauté gay masculine en Île-de-France. Les associations de lutte contre le sida sont en alerte.
dans l’hebdo N° 1713 Acheter ce numéro
Et maintenant, la « variole du singe » ou monkeypox. Si le nom de cette maladie commence à être connu, ses symptômes le sont beaucoup moins. Apparu en Afrique centrale, entre République du Congo et Nigeria, où il a commencé à devenir endémique chez les humains à partir des années 1970, ce virus se propage désormais massivement en Europe, même s’il a été détecté pour la première fois au Danemark en 1958. Depuis deux mois et les premiers cas détectés hors d’Afrique, des épidémiologistes produisent des courbes de projection de son expansion – à caractère exponentiel –, à l’échelle planétaire. Les modes de contamination semblent essentiellement des contacts « peau à peau », avec les fluides biologiques ou des surfaces contaminées, sans que l’on connaisse exactement la dose infectieuse. Une communauté réduite mais ayant des contacts rapprochés peut donc aisément se transformer en cluster.
Ainsi, comme dans de nombreux pays, Santé publique France (SPF) relève que la prévalence est particulièrement élevée parmi le groupe des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), avec des signes cliniques qui diffèrent de ceux enregistrés dans les zones endémiques d’Afrique : « éruptions cutanées buccales, génito-anales, ou sur une autre partie du corps… » Xavier Lescure, l’un des infectiologues en charge du dossier à l’hôpital Bichat à Paris, n’hésite pas à associer le « mode de transmission propre à cette épidémie et la communauté qui porte cette transmission », soulignant que « le principal facteur de risque aujourd’hui est le multipartenariat sexuel ». Selon SPF, plus de 600 cas seraient actuellement recensés en France (plus de 7 000 dans le monde), dont depuis peu des femmes et des enfants, particulièrement à risque de formes graves, suscitant l’inquiétude de l’OMS, qui se refuse pourtant à déclarer l’urgence sanitaire. Des caractéristiques qui ne peuvent que rappeler le précédent de l’épidémie de VIH, d’abord qualifiée dans les médias de « cancer gay »… avant de se diffuser au reste de la population.
Les stocks de vaccins disponibles sont très limités.
Créée autour de Daniel Defert, l’ancien compagnon du philosophe Michel Foucault, l’une des premières personnalités connues décédées en France du sida en juin 1984, l’association Aides ne peut que s’inquiéter face à l’apparition d’une telle épidémie, dont les caractéristiques résonnent étrangement avec les premiers souvenirs du VIH. Sauf que les données scientifiques et cliniques, pour limitées qu’elles soient encore, se différencient grandement : en premier lieu du fait de l’existence d’un vaccin (dénommé Imvanex en France), déjà proposé de façon préventive au Canada, en Allemagne et, depuis le 23 juin, à New York. Mais aussi que la maladie n’apparaît pas mortelle (aucun décès n’ayant été déploré en Europe), ses symptômes s’apparentant plutôt « à une très grosse varicelle », selon l’actuelle présidente d’Aides, Camille Spire, qui prend néanmoins les choses au sérieux. « On reçoit un certain nombre d’appels de personnes, la plupart gays, inquiètes devant l’inconnu que représente cette nouvelle épidémie. Certaines ont vécu l’époque du sida, mais d’autres sont bien plus jeunes. »
Reste que les stocks de vaccins disponibles sont très limités puisque la maladie était quasi inexistante en Europe. À tel point qu’en France l’information sur leur nombre a été classée secret-défense. Camille Spire estime que cela « s’explique sans doute par le fait que le renouvellement des stocks demande du temps ». Et la présidente d’Aides de souligner que « la nécessité d’une vaccination préventive et générale de toute la population n’est pas la réponse la plus pertinente », mais que son association « mène campagne pour une vaccination des populations à risque, en premier lieu les homosexuels masculins ayant plusieurs partenaires, comme l’ont déjà fait le Canada, le Royaume-Uni ou l’Allemagne, mais aussi les acteurs de prévention et les personnes déjà très immunodéprimées ». Camille Spire se demande si la lenteur de la réaction des autorités « n’est pas aussi une manière de gérer la faiblesse des stocks », mais reconnaît que, sur ce dossier, « l’État et le pouvoir médical sont à l’écoute – contrairement à ce qui s’est produit avec le covid-19 – des associations et des acteurs de terrain ».