Portrait – Adrien : En mode transport
Il se rêvait en pilote de ligne. Face à l’impossible « avion vert », ce militant d’Extinction Rebellion s’est tourné vers le train.
dans l’hebdo N° 1715-1719 Acheter ce numéro
On n’est pas sérieux quand on a 17 ans. Air connu. Quoique. À cet âge, voilà déjà un moment qu’Adrien, né en 2001, voit son avenir en pilote d’avion, aux manettes des moyens et longs courriers. « Ça reste majestueux quand on arrive à faire voler un avion de trois cents tonnes ! » Ça laisse aussi rêveur. Il entame alors les études adéquates, au sein d’une famille dont la mère est documentaliste et le père maître d’hôtel. Un bac scientifique d’abord, avant de passer les concours d’entrée. Il est reçu en février 2020 et s’apprête à intégrer une école de pilotes en Belgique. Coût de l’école : 100 000 euros tout de même. Mais il sait que, vu les salaires à venir, « c’est facilement remboursable ». Tombe le covid. Inattendu. Et tout est suspendu, surtout dans le secteur aérien.
Pour Adrien, par la force des choses, c’est aussi le moment de réfléchir à son avenir. « Je me suis demandé si cela avait un sens, vu la situation environnementale, si cela valait le coup de m’endetter à ce point sans savoir réellement si le secteur allait repartir. Je me suis interrogé sur ce qu’on appelle les “avions verts”, des appareils plus écologiques. Quand on réfléchit un peu, on n’y croit pas : ça n’arrivera pas de sitôt face à l’ampleur de la crise climatique. » Et de commencer par mettre ce rêve de môme entre parenthèses, le temps de voir les choses évoluer.
En beau gosse intéressé par la mode, Adrien participe à des défilés pour la maison Dior. Un moyen comme un autre de gagner un peu d’argent. L’exercice aura des conséquences qu’il n’imagine pas encore. Parallèlement, suivant une amie, il adhère à Extinction Rebellion, un mouvement international de désobéissance civile en lutte contre l’effondrement écologique et le dérèglement climatique. En guise de charte, quatre volets : la reconnaissance de la gravité et de l’urgence des crises écologiques actuelles et une communication honnête sur le sujet ; la réduction immédiate des gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité carbone en 2025 ; l’arrêt immédiat de la destruction des écosystèmes océaniques et terrestres à l’origine d’une extinction massive du monde vivant ; la création d’une assemblée citoyenne chargée de décider des mesures à mettre en place pour atteindre ces objectifs et garante d’une transition juste et équitable. « Plus on s’engage, plus on se rend compte de l’ampleur de la catastrophe qui nous attend. Je me suis vite aperçu que ce rêve de devenir pilote n’était pas réaliste dans le monde actuel. Ce n’était pas le bon choix, et pas en accord avec mes valeurs. Cela a été un long cheminement de réflexions. Je ne me suis pas réveillé un matin en me disant “stop”. J’ai pris mon temps. »
Le jeune homme est rompu à l’exercice des défilés quand l’occasion fait le larron. Lors de différents événements Louis Vuitton et Dior, il manifeste à grand renfort de banderoles pour dénoncer l’impact de l’industrie de la mode sur le climat. De fait, il est aux premières loges pour observer les ravages du secteur en termes de gaspillage, avec « un public qui vient des quatre coins du monde pour un défilé qui dure à peine cinq minutes, pour des vêtements qui seront jetés après. Quand on y réfléchit, c’est complètement fou. Je ne pouvais plus contribuer à ça ».
Aujourd’hui, Adrien est en alternance, un pied à la SNCF, un autre en études en transport et logistique. Non sans regrets, non sans mal. On ne lâche pas facilement un rêve de gosse. Mais la SNCF se révèle plus éco-compatible avec ses idées et ses valeurs. « J’ai toujours aimé le train. C’était aussi une passion. Là, ça me permet de revenir à un mode de transport décarboné, plus vertueux que le secteur aérien. » Un même fil rouge pour ce jeune homme, les transports.