Portrait – Ophélie : Sur le terrain

De la publicité et la communication, Ophélie Damblé est passée aux pleins champs. En pépiniériste assumée. Sans regrets.

Jean-Claude Renard  • 20 juillet 2022 abonnés
Portrait – Ophélie : Sur le terrain
© montage avec photos Elliot Broué et ANTOINE LORGNIER/Only France/AFP

Ça a débuté comme ça. Par des études de cinéma et de théâtre à la faculté et au conservatoire. La scène comme ligne de mire. Avant d’être rattrapée par la vie active en véritable couteau suisse. La chronique radio, l’organisation d’événements, la direction artistique pour un label de disques, les réseaux sociaux pour un groupe de communication. Autant d’activités adossées à des petits boulots alimentaires. Serveuse, vendeuse, le toutim. Pas loin d’une dizaine d’années. Au milieu de passions articulées autour de la musique alternative, des fanzines et de l’illustration.

Des années aussi de réflexion pour Ophélie Damblé sur la nourriture quand elle devient végétarienne, s’interrogeant sur sa propre consommation, « sur l’industrie agricole, l’élevage et l’agroalimentaire ». Des interrogations mâtinées d’inquiétudes sur « nos sols de plus en plus infertiles, la pollution, la fin de l’autonomie alimentaire ». Trois années à cogiter. « Je ne trouvais plus aucun sens à continuer à travailler ainsi. J’étais hors sol. Il me fallait tout simplement revenir à la terre. » Un retour aux sources pour qui vient non pas de la ville mais de la campagne, en Ariège jusqu’à l’âge de 17 ans, fille d’enseignants, entourée de cultivateurs, de paysans dont « le travail n’est pas du tout valorisé, même s’il s’agit d’un métier qu’on côtoyait tous, se souvient Ophélie. On n’incite personne à l’occuper et on ne m’a jamais encouragée dans cette voie, mais plutôt poussée vers un métier dit intellectuel ».

À 28 ans, donc, retour à la campagne pour se former auprès de maraîchers, avec un « besoin physique de travail de la terre. Je me sentais trop coupée du sol, du rythme des saisons. Un besoin également philosophique et écologique de me tourner vers un métier qui me nourrit et qui répare les sols ». Après sa période de formation, Ophélie est rapidement embauchée sur des projets d’agriculture urbaine, enchaînant des contrats courts avant de se spécialiser sur la pépinière. Parallèlement, elle livre son témoignage sur sa chaîne YouTube sur cette reconversion personnelle, sur « ce que peut être un changement de vie. Une documentation à l’aune de mon quotidien, en partageant mon expérience avec d’autres sur l’agriculture et la végétalisation urbaine ». Entendez les lieux qui sont communs, les jardins partagés, « tous les espaces qui peuvent être végétalisés, toutes les zones un peu abandonnées ». De quoi créer des liens sociaux et apaiser les rapports entre les personnes. « Avec un espace qu’on végétalise, on a moins de tensions, de violences et de dégradations que si l’on ajoute du béton au béton. Il y a donc un fort intérêt en termes de vie sociale. » Un fort intérêt personnel aussi pour Ophélie, qui se sent « plus connectée avec la nature ». Ça change des réseaux sociaux. « C’est un changement de regard sur les choses qui nous entourent. Je n’y prêtais pas attention quand j’étais plus jeune. Aujourd’hui, mon quotidien est davantage en lien avec les éléments, la météo, les saisons. »

Aujourd’hui, justement, à 33 ans, Ophélie Damblé est à la tête de la Cité fertile, au sein d’un tiers-lieu dédié à la transition écologique, à Pantin (Seine-Saint-Denis), où l’on trouve un restaurant, des brasseurs, un potager associatif, une ruche, un four à pain et une programmation culturelle régulière. Là, elle dirige une pépinière qu’elle mène à sa guise, tout en recevant différents publics selon les jours et les week-ends, des scolaires aux entreprises, à qui elle propose des ateliers culturels, tout en réalisant des contenus vidéo sur ses démarches, notamment la permaculture, et publiant des livres, animant encore divers événements et vendant des plants comestibles aux particuliers. Feu de tout bois. « Finalement, mon emploi du temps s’adapte beaucoup à la nature. Avec une richesse de publics avides d’initiations. Il s’agit de dédramatiser la chose quand on pense qu’on n’a pas la main verte. L’erreur fait partie du jeu, on peut se planter ! Et c’est comme ça qu’on progresse. » C’est son credo, sa marotte. Pédagogie d’abord. Tout en étant ludique. C’est aussi ce qu’elle montre dans ses vidéos, avec ses ratages, une autodérision et beaucoup d’humour. On peut mener des projets sérieusement sans se prendre au sérieux. « Ce sont des joies d’enfant dont il ne faut pas se priver. C’est comme la cuisine : on peut se louper sur une recette, et recommencer. Quand on récolte son premier légume, on ressent un sentiment très puissant et à la fois très simple. C’est tout l’enjeu de l’agriculture urbaine : retrouver une autonomie et du plaisir. Avec un métier dont on a besoin, avec des gens qui nous nourrissent. » Ophélie s’inscrit dans cette transmission. Sans regrets sur sa vie d’avant.

Société
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