« Cher connard » de Virginie Despentes : MeToo en face
Virginie Despentes livre un roman subtil autour des questions soulevées par le mouvement féministe.
dans l’hebdo N° 1721 Acheter ce numéro
Ça commence par un commentaire misogyne sur un compte Insta. L’auteur : Oscar, écrivain reconnu qui s’est « fait metooiser ». La cible : Rebecca, icône du cinéma vieillissante. Leurs seuls points communs : ils sont issus du même quartier HLM de Nancy et souffrent d’addiction. S’engage entre eux une étrange correspondance.
Cher connard, Virginie Despentes, Grasset, 352 pages, 22 euros.
Les premières lignes de chaque mail sont souvent consacrées aux insultes que s’envoient les personnages. « Ouin ouin ouin je suis une petite baltringue qui n’intéresse personne et je couine comme un chihuahua parce que je rêve qu’on me remarque », lance Rebecca. Mais les échanges prennent progressivement des accents méditatifs où émergent des réflexions sur le vieillissement, la paternité, la dépendance à la drogue. Mais, surtout, Rebecca et Oscar questionnent de front le rapport homme-femme, la culture du viol et le sentiment d’impunité.
Tout le monde attendait ce roman comme un hymne post-MeToo. Mais le regard de Virginie Despentes porte bien plus loin.
Et il y a une troisième voix. Celle de Zoé, une attachée de presse devenue une blogueuse féministe très suivie, qui a accusé Oscar de l’avoir agressée sexuellement alors qu’il était un jeune écrivain. Une femme qui continue de parler malgré les attaques « des soldats du patriarcat ».
Tout le monde attendait ce roman comme l’hymne post-MeToo de l’une des voix importantes du féminisme. Mais le regard de Virginie Despentes porte bien plus loin. Elle scrute ce mouvement de société à travers trois paroles : celle de la victime, menacée par « la meute » qui refuse d’entendre ce qu’elle dénonce ; celle d’un homme à la réputation détruite qui ne comprend pas ce qu’on lui reproche, et celle d’une femme qui a baigné dans la culture sexiste en tant qu’actrice et qui ne fait pas partie de cette nouvelle génération de féministes. Au cœur de cette polyphonie, l’autrice ouvre une autre voie : la possibilité de la prise de conscience et du pardon.