Lectoure : un festival de fantaisie et de curiosités
« L’Été photographique » de Lectoure invite jusqu’au 18 septembre à explorer une constellation d’œuvres qui tendent à réinventer le réel.
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Aussi excitante pour l’œil que pour l’esprit, l’édition 2022 de « L’Été photographique », à Lectoure, dans le Gers, procède d’une dynamique résolument utopique. La conception en a été assurée par la critique et commissaire d’exposition indépendante Émilie Flory.
L’Été photographique de Lectoure, jusqu’au 18 septembre, centre-photo-lectoure.fr
Au fil d’un parcours en quatre étapes, continûment surprenant, on est ainsi amené à rencontrer des œuvres – photos, vidéos, installations – porteuses de visions plus ou moins décalées sur le monde. De l’ensemble, très cohérent, émane une volonté de distanciation critique, souvent empreinte de fantaisie ou de poésie.
Point de départ du parcours : le centre d’art créé en 1991, organisateur de ce festival comptant aujourd’hui parmi les principaux événements français dédiés à la photo. Ce lieu mène tout au long de l’année diverses actions de soutien à la création artistique (accueil en résidence, production, diffusion, médiation…), et son rayonnement déborde largement du territoire du département.
Implanté depuis 2011 dans une ancienne aumônerie, le centre d’art présente sur deux étages – via une scénographie à la fois discrète et inventive – des créations arborant toutes, à des degrés divers, une coloration ludique. Y figurent les éclatants portraits en noir et blanc réalisés à la fin des années 1970 par Ouka Leele (importante figure féminine de la Movida), dont l’œil facétieux saisit ici des personnages coiffés de couvre-chefs saugrenus.
Courts-métrages et collages-palimpsestes
S’y trouvent aussi les jubilatoires courts-métrages burlesques de Marie Losier, les captivants collages-palimpsestes d’Annabelle Milon (traversés en filigrane par une réflexion sur la survivance des images) ou encore les photos drolatiques du binôme Anna et Bernhard Blume, se mettant en scène dans une confrontation chaotique avec des objets du quotidien.
L’apport le plus original repousse au maximum les limites de l’abstraction : il est dû à Ian Wilson, adepte radical de l’art conceptuel, dont l’œuvre présentée ici – suivant un protocole formulé en 1969 – consiste à intégrer son nom dans le programme et les éléments de communication du festival.
Dans l’enceinte imposante de la Halle aux grains, où est également proposée une exposition collective, se détache surtout l’espace dévolu à Thorsten Brinkmann, iconoclaste artiste allemand contemporain dont la pratique mêle photographie, sculpture et installation. Entre portraits chimériques et agrégats fantasmagoriques, il crée ici un genre de postmoderne cabinet de curiosités.
Petite maison située un peu en retrait, la Cerisaie accueille une seule œuvre : Microfilms, de France Dubois. Activée pour la première fois à l’occasion du festival, cette remarquable installation lumineuse et sonore, subtilement évolutive, invite à se laisser happer dans un envoûtant univers parallèle, suspendu entre rêve et réel.