Art et handicap en vedettes insolites au Miam

Apparu dans le paysage culturel sétois en 2000, à l’instigation de Bernard Belluc et d’Hervé Di Rosa (tous deux à la fois artistes et collectionneurs), le Musée international des arts modestes – Miam, en abrégé croquant – se voue aux formes artistiques les plus affranchies des normes et éloignées des institutions.

Baptisée « Fictions modestes & réalités augmentées », l’exposition a été élaborée avec La « S » Grand Atelier. Affirmant sa ­singularité dès son nom, cette structure belge porte une approche alternative des rapports entre art(s) et handicap(s). Créée en 1991 par Anne-Françoise Rouche, elle agit depuis le début des années 2000 au sein d’une caserne désaffectée, à Vielsalm, petite commune rurale de l’Ardenne belge.

Là-bas, des personnes atteintes de handicap(s) développent des pratiques artistiques au quotidien, dans le cadre d’ateliers menés par des professionnels de l’art, et peuvent aussi parfois travailler avec des artistes contemporains accueillis en résidence.

Un laboratoire créatif dans lequel l’art s’appréhende comme une fin en soi – et non pas simplement un moyen à visée thérapeutique.

Dédiée à l’émancipation autant qu’à l’expérimentation, La « S » Grand Atelier se veut avant tout un laboratoire créatif dans lequel l’art s’appréhende comme une fin en soi – et non pas simplement un moyen à visée thérapeutique. Des expositions s’y tiennent régulièrement et les œuvres produites sur place sont aussi diffusées ailleurs, en Belgique ou à l’étranger.

« Fictions modestes & réalités augmentées » permet à un large public de découvrir cette grande aventure à la fois humaine et artistique. Conçue par Anne-­Françoise Rouche et Noëlig Le Roux (commissaire indépendant, ancien pilier de la Maison rouge, précieuse fondation parisienne hélas fermée en 2018), l’exposition s’articule en chapitres-espaces thématiques (« Génies du lieu », « Libertés indomptées »…) autour de la notion centrale de récit, individuel ou collectif.

Les arts graphiques occupent une place de choix au long du parcours. On retient notamment les absorbantes compositions de strates polychromes de Joseph Lambert (l’un des premiers résidents de La « S »), les superbes gravures sur bois d’Adolpho Avril et Olivier Deprez (au style proche de l’expressionnisme) et les gouaches lunaires de Jean Leclerc – artiste revisitant librement ses bandes dessinées préférées, en particulier les albums de Tintin.

Ville imaginaire de carton et de scotch

Parmi les pièces les plus inclassables et remarquables apparaît Ave Luïa, ample réalisation collective qui réunit portraits de nonnes sur papier, statuettes de vierges emmaillotées, crucifix recouverts d’excroissances brodées ou encore céramiques colorées représentant la Cène. Réjouissant, le tout exprime une vision intense de la religion catholique, teintée de poésie et de fantastique.

Non loin se dresse FranDisco, ville imaginaire faite de carton et de scotch, dont la construction a demandé plusieurs années de travail à son concepteur, Marcel Schmitz – lequel se définit comme un architecte « rubaniste ». Numérisée par trois autres artistes (Fabian Dores Pais, Émeric Florence et Monsieur Pimpant), cette fascinante cité de guingois peut aussi se traverser en réalité virtuelle avec le casque ad hoc : proposée ici pour la première fois, une expérience originale dans un univers hautement insolite, à l’instar de toute l’exposition.