Corinne Deville, fantasques fresques
Le Musée d’art et d’histoire de l’hôpital Sainte-Anne invite à traverser l’univers pictural flamboyant et mutin de l’artiste décédée l’an dernier.
dans l’hebdo N° 1725 Acheter ce numéro
Éminent établissement en matière de psychiatrie, l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, se distingue par une activité importante dans le champ artistique depuis les années 1950-1960.
Vivre en peinture, Corinne Deville (1930-2021), au Mahhsa, jusqu’au 29 janvier 2023.
Premier musée hospitalier à avoir obtenu l’appellation « Musée de France », en 2016, le Musée d’art et d’histoire de l’hôpital Sainte-Anne (Mahhsa) accueille régulièrement des expositions temporaires destinées à mettre son fonds en valeur. -L’exposition actuelle est consacrée à Corinne Deville, une artiste qui n’a réalisé aucune œuvre au sein de l’hôpital, mais dont le cheminement et l’univers apparaissent en totale adéquation avec la raison d’être de ce lieu historique.
« Sa passion créative ne s’est jamais tarie malgré des périodes parfois difficiles sur le plan de sa vie psychique et physique », écrit à son sujet la directrice scientifique du Mahhsa, Anne-Marie Dubois, qui a conçu l’exposition avec Margaux Pisteur, chargée des collections.
L’on n’en sait pas davantage sur la nature des troubles que Corinne Deville – morte en 2021, à l’âge de 91 ans – a dû affronter durant sa longue vie. Tant mieux : ainsi, aucun élément secondaire ne vient interférer dans le rapport très spontané qui s’établit avec son art, aussi foisonnant que stimulant.
Brueghel l’Ancien passé par un filtre très pop
Par la peinture, pratiquée de l’enfance jusqu’à la vieillesse, Corinne Deville transmet un imaginaire exubérant qui se déploie dans des œuvres aux couleurs éclatantes et aux formes mouvantes, traversées de motifs obsessionnels – notamment les animaux (en particulier les chiens), les bateaux, les paysages des Ardennes (sa région natale) ou de Suisse (pays idéalisé, où elle a vécu la fin de sa vie) et les stigmates de la Seconde Guerre mondiale (subie durant ses jeunes années).
Fourmillant de détails et débordant d’inventivité espiègle, les créations picturales de Corinne Deville s’apparentent à de fantasques fresques – presque toutes sur une surface plane, sans perspective – dont la flamboyance joyeuse éblouit en profondeur. À les voir, on pense au Douanier Rousseau, à Chagall, à Miró, à Niki de Saint Phalle ou encore à Brueghel l’Ancien passé par un filtre très pop.
Réparties en cinq sections thématiques, près de cent de ces créations – qui proviennent des collections des cinq enfants de Corinne Deville – se côtoient ici. La plupart sont datées et signées, les années 1990-2000 se révélant particulièrement fertiles. Certaines sont également annotées – on relève par exemple plusieurs fois la mention « fait avec un seul bras ».
Évoquant des locomotives ou des navires, plusieurs sculptures de bric et de broc – réalisées avec des boîtes de conserve usagées et autres rebuts – complètent l’exposition et confirment l’originalité irréductible de leur autrice.