Lire « Le Monde » et soupirer d’aise
À en croire le quotidien du soir, le chef de l’État n’aurait « pas de cap ». Il en possède pourtant un, très clair et très à droite : harasser chômeurs et chômeuses, épuiser les bénéficiaires des minima sociaux, éreinter les salarié·es…
dans l’hebdo N° 1723 Acheter ce numéro
L’autre jour, Le Monde a publié un long papier consacré – c’était son titre – aux « interrogations grandissantes sur l’absence de cap » d’Emmanuel Macron « à la veille » de la « première rentrée » de son « nouveau quinquennat ».
Et c’était un article tout à fait édifiant – non pour lui-même, mais pour ce qu’il révélait du journalisme politique tel que le pratique la presse dite « de référence ». Rien ne venait en effet documenter, dans le corps de cette longue copie, l’affirmation – justifiant pourtant jusque dans son titre sa publication – selon laquelle le chef de l’État français n’aurait pas de « cap ». Rien, sinon le témoignage, évidemment anonyme, de « ses amis » (on imagine l’ampleur de l’enquête) qui, racontait doctement Le Monde, « soulignent un “manque de projection stratégique”, voire s’agacent d’un pouvoir qui “patauge” ».
On trouvait pourtant, dans ce même papier, nombre d’informations intéressantes. Comme celle-ci : Emmanuel Macron entend mener vaille que vaille à son terme une « réforme des retraites » dont l’« objectif sera bien de porter à 65 ans l’âge légal de départ à la retraite, à un “horizon au milieu des années 2030” ». Ou celles-ci : « dans le même temps », Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein-Emploi et de l’Insertion, « doit » quant à lui « s’atteler » impérativement « à la réforme de l’assurance-chômage, afin d’en durcir les modalités » et « à celle du revenu de solidarité active (RSA) – pour conditionner son versement à quinze à vingt heures d’activité hebdomadaires ». (Car ce sont, expliquait Le Monde avec beaucoup d’aménité, des « sujets que le président de la République défend au nom de son attachement à la “valeur travail” ».)
Reprenons, pour qui n’aurait pas bien suivi.
1) Emmanuel Macron veut nous obliger à travailler plus, pour gagner plus tardivement une retraite dont il nous avait précédemment promis, au mois de juin dernier, qu’il porterait son montant « minimum à 1 100 euros » – et qu’elle nous aiderait par conséquent à nous maintenir juste sous le seuil de pauvreté, qui correspond, en France, « à un revenu disponible de 1 102 euros par mois pour une personne vivant seule ».
2) Emmanuel Macron veut « durcir les modalités » du versement de leurs indemnités de chômage aux salarié·es qui perdraient leur emploi.
3) Emmanuel Macron veut conditionner le versement du RSA (dont le montant laisse ses bénéficiaires très loin sous le seuil de pauvreté) à l’exécution d’heures de travail sous-payées. Parce que pas de mains, pas de chocolat !
Dans la vraie vie, Emmanuel Macron s’est donc fixé un objectif dont il n’entend nullement dévier et qui vise très distinctement à épuiser les bénéficiaires des minima sociaux, à harasser les chômeurs et les chômeuses, et à éreinter les salarié·es : gageons que le chef de l’État soupire d’aise à chaque fois qu’un journal « de référence » présente cette exceptionnelle férocité droitière comme une « absence de cap ».
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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