Malgré la mobilisation, le professeur Kai Terada muté « dans l’intérêt du service »
Le professeur de mathématiques a été notifié, ce jeudi soir, de sa mutation dans les Yvelines. Ce, alors qu’aucun fait disciplinaire ne lui est reproché. La mobilisation continue, tandis que Sud Éducation annonce avoir déposé un référé-suspension.
Le couperet est tombé jeudi en début de soirée. Cela faisait bientôt trois semaines que Kai Terada, professeur de mathématiques du lycée Joliot-Curie à Nanterre syndiqué à SUD Éducation, était suspendu provisoirement de ses fonctions sans qu’aucun motif ne lui soit signifié.
Reçu au rectorat de Versailles le 8 septembre dernier, on lui avait assuré que cette mesure n’était pas une sanction disciplinaire et que l’académie statuerait rapidement sur sa situation, soit en le réintégrant, soit en le mutant. Il est désormais fixé : c’est la deuxième option qui a été privilégiée.
Kai Terada est muté « dans l’intérêt du service » au lycée Poquelin à Saint-Germain-en-Laye dans les Yvelines. Politis a pu se procurer l’arrêté de mutation, qui laisse perplexe. L’administration y décrit la situation du lycée Joliot-Curie comme « préoccupante tant en ce qui concerne le climat de travail au sein de la communauté éducative que le bon fonctionnement ainsi que la continuité du service public de l’éducation ».
Pas un seul fait corroborant les accusations
Elle poursuit : « Le nom de Monsieur Kai Terada revient régulièrement comme participant activement en dehors des instances du dialogue social de l’établissement ainsi que de l’exercice normal d’une activité syndicale, à la dégradation du climat au sein de la communauté éducative ». Et de conclure : « Si le comportement et les propos de Kai Terada ne sont pas constitutifs d’une faute de nature à justifier l’ouverture d’une procédure disciplinaire, sa mutation […] apparaît nécessaire pour permettre un retour à un fonctionnement serein de l’établissement. »
On n’a pas voulu m’apporter le moindre élément d’explication à cet arrêté de mutation extrêmement vague. Rien de daté ni de circonstancié.
En plus du fait qu’aucune faute ne soit reprochée au professeur de mathématiques, l’arrêté de mutation ne contient pas un seul fait pouvant corroborer ces accusations. « Contrairement à ce qui m’avait été promis, aucun élément d’accusation n’a été étayé. On n’a pas voulu m’apporter le moindre élément d’explication à cet arrêté de mutation extrêmement vague. Rien de daté ni de circonstancié. On ne sait même pas quels sont les éléments des considérants qui se rapportent à ma personne directement et qu’est-ce qui relève d’un constat général », s’indigne Kai Terada auprès de Politis.
Accumulation de répressions
Ce genre de mutation est désormais possible, depuis la loi sur la transformation de la fonction publique du début 2019, sans nécessiter l’avis des commissions administratives paritaires. Une mesure « au fait du prince » dénoncent les syndicats qui, si elle n’est pas une sanction sur le papier, est largement perçue comme telle par les enseignants visés.
La veille de cette décision, à l’appel des principaux syndicats enseignants, plusieurs dizaines de personnes s’étaient rassemblées devant le ministère de l’Education Nationale pour contester la répression subie par le prof de mathématiques. Ils dénonçaient également une politique systémique de répression pour les enseignants syndiqués ou tout simplement engagés.
Dans Politis, nous vous racontions cette semaine cette accumulation de cas de mutations ou de procédures disciplinaires. Nous avions aussi publié, il y a quelques jours, une tribune de soutien, signée par des personnalités du monde syndical.
Réactions syndicales et politiques
A l’annonce de cette mutation, Sud Éducation a annoncé engager un référé-suspension contre la décision ainsi qu’une nouvelle « mobilisation à venir ». Le député LFI Paul Vannier a lui dénoncé une « manœuvre d’intimidation » : « Sous Pap Ndiaye, la répression anti-syndicale frappe donc aussi brutalement que sous Jean-Michel Blanquer », a-t-il réagi sur Twitter. Clémentine Autain a également commenté cette mutation polémique, évoquant « un raidissement généralisé au sein de l’Education nationale ».
Au lycée Joliot-Curie, il n’est pas certain que cette décision permette le rétablissement d’un « environnement serein », bien au contraire. Ce matin, des collègues de Kai Terada se sont une nouvelle fois mobilisés devant l’établissement pour dénoncer cette sanction.
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