Dans combien de temps…
Serge Avédikian, comédien et réalisateur, s’interroge dans une tribune très personnelle sur notre capacité à nous lever face aux vents mauvais qui soufflent, ici et ailleurs.
Le temps n’est pas scellé comme au cinéma et au théâtre. Dans la vraie vie, il nous happe, nous dépasse, nous bouscule, nous dérange et nous pousse dans nos retranchements les plus intimes. Ce n’est pas une question d’âge ou la peur de manquer de temps (encore que…), c’est plus précisément la conscience qu’on a d’en être victime.
Oui, les temps actuels, anxiogènes et incertains, ne semblent pas passagers, ils s’installent dans nos esprits et nos corps, comme des invités inattendus, qui pèsent lourds à porter. La pandémie, en comparaison, (encore que…) nous a bien sûr surpris et troublés, mais ce qui se passe actuellement dépasse les limites de l’entendement mental.
Les guerres en cours, à notre porte (Russie-Ukraine, Azerbaïdjan-Arménie), mais aussi les situations politiques, en France, en Italie et dans certains pays de l’est de l’Europe, ne laissent rien présager de positif dans les mois et les années à venir. On s’enfonce dans la haine de l’autre, l’agresseur se dit agressé et réplique en agressant pour défendre ses intérêts bien calculés par avance.
Allons-nous avoir la lucidité, la force et l’énergie de nous lever et de faire face à cette situation qui va nous engloutir, au même titre que la médiocratie, les addictions diverses, les mensonges et les instrumentalisations en cours, dans nombre de domaines, autour de nous et aux dépens de nous ? Capitalisme sauvage, qui ne dit plus son nom, social-démocratie qui ne sait plus que dire, communisme oublié à jamais.
Ne devenons pas notre propre ennemi en ignorant les histoires des autres.
Entre l’Amérique-Europe et la Russie-Chine, a-t-on le droit de penser que cet affrontement idéologiquement commercial n’est pas obligé de détruire, au passage, des pays et des populations qui n’ont pas demandé à être les otages de cette situation ?
Sommes-nous prisonniers de l’obscurantisme, de la lobotomisation des esprits qui se sont fait avoir avec le temps ? L’épaisseur du temps s’est disloquée, liquéfiée, transformée en un temps mort, on dirait. Sommes-nous suspendus dans le vide, coupés du réel, embourbés dans un chaos qui va nous engloutir ?
Les temps contre nous, nos vies contre les temps mauvais.
Mais le temps est à nous et ce que nous en ferons. Le temps en a vu d’autres et notre histoire aussi, alors nous devons prendre le temps à bras le corps, aider ceux qui souffrent et se battre pour une vie plus juste.
Où que nous soyons, nous sommes l’autre aussi qu’on ignore et devons penser aux autres, sans qui la vie s’appauvrirait encore plus qu’hier et nous nous retrouverons seuls contre nous-mêmes. Ne devenons pas notre propre ennemi en ignorant les histoires des autres.
Levons-nous, il est encore temps, le temps nous laisse le temps, si on le lui demande.
Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
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