« GPS » de Lucie Rico : Google Maps sur la piste du crime

Le deuxième livre de la romancière est un polar immersif dans lequel un téléphone mobile joue un rôle de premier plan.

Lucas Sarafian  • 5 octobre 2022 abonné·es
« GPS » de Lucie Rico : Google Maps sur la piste du crime
© Lucie Rico livre un deuxième roman entièrement écrit à la deuxième personne qui raconte en creux l'impossibilité de communiquer. (Photo : Hélène Bamberger/P.O.L.)

En quelques lignes, nous voici guidés par une voix que tout le monde connaît : celle du GPS. Ariane, la trentaine, journaliste spécialisée dans les faits divers au chômage depuis deux ans, doit se rendre à la fête de fiançailles de sa meilleure amie, Sandrine, une pisciniste mariée prochainement à un homme qu’Ariane ne supporte pas.

GPS, Lucie Rico, POL, 216 pages, 19 euros.

Cette dernière, légèrement dépressive et très sensible, ne supporte d’ailleurs pas grand-chose. Elle ne sort plus de chez elle depuis un moment, mais, en tant que témoin, elle ne peut se défiler pour cette fois. Le voyage ressemble à une épreuve insurmontable. Heureusement, pour l’aider, Sandrine décide d’activer la fonction « partage de localisation » de Google Maps. La tâche devient plus facile : Ariane n’a qu’à suivre le point rouge.

Sur place, l’ambiance ressemble à « un séminaire de team building », des « corps d’actifs » qui ne sont « pas habitués à faire la fête » et ont « des rires de CSP+ ». La journaliste se sent étrangère à ce petit monde. Une peinture presque houellebecquienne où tous les rapports humains sont dictés par les logiques économiques. Il y a ceux qui ont un travail et ceux qui en cherchent désespérément, ceux qui sont heureux et ceux pour qui le bonheur semble inaccessible.

© Politis

Au lendemain de cette fête, Sandrine disparaît. Pendant plusieurs jours, tout le monde est sans nouvelles. Le partage de localisation est toujours activé. Alors Ariane scrute le point rouge qui continue de bouger.

Soudain, la journaliste voit son téléphone vibrer. C’est une notification signalant la publication d’un article de la presse locale titré : « Un joggeur découvre un corps brûlé à l’est de la commune du Derme, au bord du lac du Der ».Un endroit « atrocement banal, un paysage artificiel construit par un architecte mal inspiré ». Mais c’est surtout le lieu de sa première rencontre avec Sandrine.

Dans ce roman écrit entièrement à la deuxième personne, la narration est troublante, au point qu’il est difficile de savoir si le tutoiement renvoie aux ordres du GPS, aux pensées d’Ariane ou si c’est une adresse directe aux lecteurs.

Ariane, qui écrivait « des horreurs avec force détails » dans ses articles, dont les lecteurs se plaignaient du « style trop incisif », s’imagine les pires scénarios. Le lecteur oscille entre la réalité et toutes ses pensées qui s’entremêlent. Virage à cent quatre-vingts degrés dans le récit. Le polar commence. Ariane se lance dans l’enquête, avec Google Maps comme point de repère.

Dans ce roman écrit entièrement à la deuxième personne, la narration est troublante, au point qu’il est difficile de savoir si le tutoiement renvoie aux ordres du GPS, aux pensées d’Ariane ou si c’est une adresse directe aux lecteurs. Crise climatique, précarisation de l’emploi, isolement lié à certains statuts sociaux…

© Politis

S’il traverse les questions de notre époque, le deuxième roman de l’autrice, après Le Chant du poulet sous vide (POL, 2020), raconte en creux l’impossibilité de communiquer malgré les dispositifs très nombreux qui existent aujourd’hui.

À travers la disparition de Sandrine et l’histoire de cette amitié avec Ariane, Lucie Rico rappelle surtout la nécessité de ne pas perdre le lien avec le réel. Même si, rivés sur nos écrans et assaillis d’informations, nous croyons fermement que nous sommes connectés au monde.

Littérature
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