Il n’y a plus d’eau de pluie potable sur Terre
Il n’y a plus un seul endroit au monde où l’eau venue du ciel n’est pas polluée. Une telle nouvelle aurait dû faire sonner l’alerte maximale.
dans l’hebdo N° 1726 Acheter ce numéro
Au cœur d’un été caniculaire, une énième mauvaise nouvelle est tombée, qui n’a malheureusement pas fait couler beaucoup d’encre : il n’y a plus un seul endroit au monde où l’eau de pluie n’est pas polluée, y compris en Antarctique et sur les hauts plateaux tibétains. Les responsables : les substances perfluoalkylées et polyfluoalkylées (PFAS), qualifiées de « polluants éternels » pour leur dégradation quasi inexistante. Cela fait craindre le dépassement d’une nouvelle « limite planétaire », celle de la disponibilité de l’eau douce.
La notion de limite planétaire a été élaborée en 2009 par le Stockholm Resilience Center pour tenter de définir les points au-delà desquels les processus naturels seront irréversiblement altérés, avec des effets imprévisibles au vu de l’infinité des interactions caractérisant la biosphère. Neuf limites ont ainsi été identifiées.
En 2015, quatre avaient déjà été dépassées : le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, les cycles des nutriments (azote et phosphore) et les changements dans l’utilisation des sols. Une cinquième a été franchie en janvier 2022, celle de la pollution chimique, plastique et biologique, dénommée « introduction d’entités nouvelles ».
Quatre limites planétaires sur neuf déjà dépassées
Quatre sont pour l’instant non franchies ou non mesurées : l’appauvrissement de la couche d’ozone, l’acidification des océans, la présence d’aérosols dans l’atmosphère et le cycle de l’eau. Avec la pollution de l’eau de pluie, nous nous rapprochons dangereusement du dépassement de cette dernière, d’autant plus que nous savons par ailleurs que la majorité des rivières et des nappes phréatiques sont déjà envahies de nitrates, de pesticides et de métaux lourds, du fait des rejets industriels et agricoles.
La courte vue et le manque de courage politique des gouvernants se révèlent là une fois de plus.
Une telle nouvelle aurait dû faire sonner l’alerte maximale. En effet, que ferons-nous s’il n’y a plus d’eau propre à boire ? Sans eau, la vie sur Terre deviendra tout bonnement impossible. La courte vue et le manque de courage politique des gouvernants se révèlent là une fois de plus. Juste deux exemples.
Premièrement, les objectifs plutôt ambitieux de la Commission européenne sur une diminution de moitié des pesticides et des engrais d’ici à 2030 sont déjà remis en cause par les lobbys de l’agriculture intensive et les politiques qui les soutiennent. Deuxièmement, concernant l’automobile, la focalisation exclusive sur la voiture électrique promet là aussi de nouvelles pollutions.
En effet, cette technologie est très gourmande en métaux et en terres rares, ce qui augure d’un accroissement de l’extractivisme minier, avec toutes les pollutions chimiques qui l’accompagnent, sans parler des effets catastrophiques sur les populations locales, les travailleurs et les habitants. De plus, on oublie souvent que l’électricité n’est pas une source d’énergie, mais simplement un vecteur, comme l’hydrogène. Il faudra donc toujours des fossiles, du nucléaire et/ou des renouvelables pour produire de l’électricité.
La perspective d’une Terre sans eau douce propre… Que faut-il donc pour que les gens se réveillent ?
Hélène Tordjman est maîtresse de conférences à Sorbonne-Paris-Nord.
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