La justice écologique et sociale sacrifiée à l’inflation
La politique du gouvernement contre la hausse des prix aurait dû cibler les aides sur les populations les plus vulnérables, moduler les tarifs de l’énergie et taxer les superprofits.
dans l’hebdo N° 1727 Acheter ce numéro
Avec des hausses des prix à la consommation de l’ordre de 6 % en France et de 10 % dans la zone euro cette année, l’inflation est de retour. Ce qui a amené les autorités publiques – à commencer par les banques centrales, supposées être les gardiennes de la stabilité des prix – à mettre en œuvre des politiques anti-inflation.
On peut s’interroger sur l’efficacité, voire les effets pervers, de ces politiques. En effet, le réflexe de la plupart des banques centrales a été de durcir la politique monétaire. Or les racines de l’accélération de l’inflation ne sont pas monétaires. Cette accélération est le symptôme de la crise du capitalisme mondialisé et financiarisé, supposé autorégulé.
Les hausses de prix résultent de l’incapacité du capitalisme à s’ajuster face aux pénuries liées à la crise écologique et aggravées par le conflit ukrainien (baisse des rendements agricoles et de la productivité, perturbations des chaînes d’approvisionnement…).
La mise en œuvre des instruments traditionnels de lutte contre l’inflation, comme la hausse des taux d’intérêt, ne manquera pas d’entraver les investissements massifs requis par la bifurcation écologique et sociale… et risque par ailleurs d’entraîner une nouvelle crise financière en raison du niveau élevé des dettes privées et publiques.
En menant cette politique, la Banque centrale européenne (BCE) tourne le dos à l’engagement, annoncé le 4 juillet, « d’intégrer les considérations de changement climatique dans la politique monétaire ». Si elle était cohérente, la BCE aurait dû pratiquer une politique sélective des taux d’intérêt en faveur des investissements verts.
Une politique anti-inflation cohérente avec les impératifs sociaux et écologiques aurait dû cibler les aides sur les populations les plus vulnérables.
En France, la politique du gouvernementface à l’inflation fait également passer au second plan les impératifs écologiques et sociaux. Les principales mesures anti-inflation, à partir de la fin 2021, ont consisté à bloquer le prix du gaz et à plafonner ceux de l’électricité à 4 %, sous le nom de bouclier tarifaire, en complétant par des remises à la pompe.
Si ces mesures ont permis de limiter l’inflation à un rythme moins élevé en France que dans la plupart des pays européens, elles s’appliquent indifféremment à tous les usagers, riches et pauvres. Or on sait que, d’une part, les bas revenus sont les principales victimes de l’inflation et que, d’autre part, les principaux pollueurs sont les hauts revenus et les grandes entreprises. Cette politique est coûteuse pour l’État et ne s’attaque pas aux gros pollueurs.
Une politique anti-inflation cohérente avec les impératifs sociaux et écologiques aurait dû cibler les aides sur les populations les plus vulnérables, moduler les tarifs de l’énergie selon le niveau de consommation et de revenu, et taxer les superprofits des entreprises qui profitent indûment de la crise.
Ainsi serait facilité le financement des investissements contribuant à la décarbonation, tels la rénovation thermique des logements et le développement des énergies renouvelables, pour lesquels la France accuse un retard important. De telles mesures sont malheureusement absentes du projet de loi de finances pour 2023 élaboré par le gouvernement.
Dominique Plihon est membre du conseil scientifique d’Attac.
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