« Tori et Lokita » des frères Dardenne : frère et sœur
Avec leur dernier long métrage, Luc et Jean-Pierre Dardenne se solidarisent avec les mineurs sans-papiers.
dans l’hebdo N° 1726 Acheter ce numéro
Qu’est-ce qui fonde la relation entre une sœur et un frère ? Telle est l’une des questions essentielles qui traversent le nouveau film de Luc et Jean-Pierre Dardenne, Tori et Lokita, prix du 75e anniversaire du Festival de Cannes en mai dernier.
Tori et Lokita, Luc et Jean-Pierre Dardenne, 1 h 28.
Il est manifeste que ces deux-là – Tori, un jeune garçon, et Lokita, une adolescente –, venus de la lointaine Afrique subsaharienne jusqu’en Wallonie, sont frère et sœur : en témoignent leur part de passé commun (où ils ont frôlé la mort), les regards qu’ils se portent, les petits gestes, leur générosité l’un pour l’autre, leur sort désormais indissociable, leur solidarité à la vie à la mort (encore)…
Nouveaux trafics
Mais ils ne le sont pas au regard de la loi, ni biologiquement. Or, s’il a vu son statut de réfugié reconnu, elle est sans-papiers. Ce qui la rend vulnérable, la transforme en proie aux yeux de tous les profiteurs de la misère, avides et sans scrupule. Ainsi Lokita est-elle enfermée dans une usine désaffectée pour y travailler à la culture de plants de cannabis – contre une promesse de faux papiers. Sur les vestiges du monde révolu des terrils et de la métallurgie, de nouveaux trafics sont apparus. S’ils sont illégaux, l’exploitation des plus pauvres y reste inchangée.
La caméra des Dardenne enregistre cette nouvelle socio-topographie avec la précision qu’on leur connaît, qui économise bien des discours. Ils filment à l’os, plus bressonniens que jamais, préservant cependant la notion de personnages (Bresson parlait de « modèles »). Le choix des comédiens qui les incarnent, en l’occurrence non professionnels, reste d’une importance primordiale. Joely Mbundu en Lokita et le jeune Pablo Schils en Tori sont remarquables de compacité et de justesse.