Un brevet de respectabilité pour le RN
En acceptant d’être honorés par le maire RN de Perpignan, Louis Aliot, les célèbres « chasseurs de nazis » Serge et Beate Klarsfeld ont offert un ahurissant et magnifique cadeau au parti d’extrême-droite.
dans l’hebdo N° 1728 Acheter ce numéro
Le 6 octobre dernier, le Rassemblement national (RN), ex-Front national, parti cofondé notamment par un ex-Waffen SS et un ancien milicien, fêtait ses 50 ans – à l’Assemblée nationale, où il a envoyé 89 députés aux dernières élections législatives, et où les macronistes lui ont ensuite offert deux vice-présidences.
Trois jours plus tard, Beate et Serge Klarsfeld, célèbres chasseurs de nazis, déclaraient dans un entretien publié par La Croix : « Combattre l’extrême droite est difficile. » Et de fait : c’est difficile. Ça l’est même de plus en plus, depuis qu’un président élu deux fois sur la promesse qu’il ferait de son règne un rempart contre les nationalistes – Emmanuel Macron, donc – s’emploie en réalité, depuis cinq ans, et par toutes les manières que l’on a déjà dites et redites ici, à leur ouvrir un boulevard soigneusement bitumé.
Mais on n’imaginait tout de même pas que les mêmes Beate et Serge Klarsfeld qui, en 2017, avaient publié avant le second tour de l’élection présidentielle une photo évoquant les camps de concentration nazis barrée d’un appel à voter « contre Le Pen » et qui, le 9 octobre dernier, constataient donc à quel point le combat contre l’extrême droite était « difficile » – on n’imaginait pas que ces deux personnalités allaient offrir à cette même extrême droite un cadeau magnifique.
Serge Klarsfeld, pour justifier cette courtoisie a expliqué que son épouse et lui entendaient « encourager la ligne d’ouverture » de Louis Aliot.
Jeudi dernier, en effet, le maire RN de Perpignan – qui, fort de cette reconnaissance, a évidemment plastronné sur Twitter (mais en égratignant tout de même leur patronyme) sa « joie » et sa fierté de les avoir ainsi « honorés » – leur a solennellement remis la médaille de sa ville, que les deux récipiendaires ont donc acceptée sans retenue.
Au lendemain de cette ahurissante cérémonie, Serge Klarsfeld, pour justifier cette courtoisie, a, selon ce journal, expliqué à Libération que son épouse et lui entendaient « encourager la ligne “d’ouverture” » de Louis Aliot, qui brigue comme on sait la présidence du Rassemblement national, « contre celle, plus dure, de son concurrent Jordan Bardella ».
Pour les époux Klarsfeld, le combat contre l’extrême droite consiste donc, désormais, à favoriser l’un des représentants d’un parti cofondé par un ex-Waffen SS et un ancien milicien, au prétexte que ce candidat à la chefferie suprême de ce parti serait (selon ses propres et seuls dires, dont nous sommes priés de croire qu’ils sont absolument et parfaitement sincères) un tout petit peu moins extrémiste que son concurrent, et qu’il préfère parler d’immigration en levant le petit doigt, plutôt que de hurler au « grand remplacement » comme font les fafs mal élevé·es – c’est vrai que ça change tout.
« Combattre l’extrême droite est difficile » : c’est décidément très vrai. Et ça l’est un peu plus encore depuis que les gens qui appelaient il y a cinq ans à voter contre Le Pen décernent aujourd’hui à l’un de ses possibles successeurs à la présidence de son parti un spectaculaire brevet de respectabilité.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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