Act Up-Paris, ligne de vie
La reparution en poche du livre de Didier Lestrade, paru en 2000, est l’occasion de mesurer à nouveau la force du parcours, l’inventivité et l’efficacité de l’association de malades du sida.
dans l’hebdo N° 1730 Acheter ce numéro
Il est rare que nous consacrions cette rubrique à la reprise en collection de poche d’un ouvrage déjà paru. Nous dérogeons donc aujourd’hui à cette règle implicite pour saluer la republication de ce « livre-document » très personnel qu’est Act Up. Une histoire, paru en l’an 2000 chez Denoël.
Act Up. Une histoire, Didier Lestrade, préface de Larry Kramer, postface inédite de l’auteur, La Découverte/poche, 536 pages, 15,50 euros.
Sous la plume du principal fondateur de cette « association de lutte contre le sida issue de la communauté homosexuelle » (comme elle avait l’habitude de se présenter), ce récit de Didier Lestrade relate, année après année, mois après mois, l’évolution de la plus turbulente – mais aussi la plus efficace – association française de malades du sida, parvenant d’abord à donner une visibilité aux séropositif·ves durant la terrible première moitié des années 1990 de la pandémie.
Avant de voir enfin l’espoir renaître, avec l’arrivée des premiers traitements. Dès lors, les RH, les « réunions hebdomadaires » du mardi soir à l’amphithéâtre des Loges, que l’École nationale des beaux-arts prêtait à l’association, vont peu à peu cesser de débuter par la liste des camarades morts de la maladie la semaine passée…
Le lieu avait d’ailleurs lui-même son importance symbolique (souvent ignorée des plus jeunes militants) puisque, dans un extraordinaire clin d’œil mémoriel, s’y réunissait déjà en 1971 le Front homosexuel d’action révolutionnaire (Fhar), premier mouvement LGBT français, au moins aussi remuant que celui de ses successeur·es combattant pour leur survie.
Rage militante
« Folles » et lesbiennes enragées, intellectuels militants, prolétaires homos autant que « branchés » de la nuit parisienne, toutes et tous, bien que malades, s’acharnaient alors à vouloir survivre et, surtout, à vivre leur jeunesse dans la même furieuse rage militante – malgré les angoisses et les souffrances physiques, avant de subir les effets secondaires des trithérapies.
L’un des slogans les plus puissants d’Act Up-Paris, gueulé en manif à la face de responsables politiques, d’assureurs, d’éminences de la médecine ou de grands labos pharmaceutiques, n’était-il pas, comme un cri bousculant la société tout entière : « Sida, on meurt ; l’indifférence demeure » ?
En 2020, l’épidémie de sida affectait encore 38 millions de personnes à travers le monde, dont 1,7 million d’enfants.
Car la pandémie de sida n’est toujours pas finie, et aucun vaccin, contrairement au cas du covid, n’a encore été trouvé. La lecture du livre de Didier Lestrade, « témoignage intime sur les années les plus dures de l’épidémie de sida », reste donc plus qu’utile.
Outre qu’il retrace l’histoire exemplaire de ce groupe qui a révolutionné, sans retour possible, « l’influence que les malades peuvent avoir sur la recherche médicinale », il documente son immense inventivité militante qui continue à nourrir celle de tant d’activistes aujourd’hui. Une utilité, ne serait-ce que parce que, en 2020, « l’épidémie de sida affectait encore 38 millions de personnes à travers le monde, dont 1,7 million d’enfants ».