Deux bonnes nouvelles pour la démocratie
La défaite du camp Trump lors des midterms états-uniennes et le retrait des troupes russes de Kherson nous apportent un peu de baume au cœur dans une époque chaotique.
dans l’hebdo N° 1732 Acheter ce numéro
On connaît le mot de Pascal : « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face du monde aurait changé. » L’histoire tient parfois à peu de chose. Il s’en est fallu de huit mille voix sur près de cinq cent mille dans le Nevada pour que le Sénat penche du mauvais côté.
En tombant in extremis dans l’escarcelle des démocrates, cette poignée de suffrages a scellé l’échec politique de Donald Trump. Les conséquences sont planétaires. Elles ont sans doute changé la tonalité de la rencontre Joe Biden-Xi Jinping à Bali. Elles renforcent surtout Volodymyr Zelensky, que le président démocrate soutient depuis le début du conflit, et épargnent à l’Ukraine les incertitudes qu’aurait fait naître une victoire républicaine aux midterms états-uniennes.
Au passage, on mesure l’influence que la politique domestique américaine exerce toujours sur la marche du monde. Avec ce résultat plutôt inattendu, et l’avancée des troupes ukrainiennes, on peut dire que la semaine dernière a apporté deux nouvelles plutôt positives dans ce monde chaotique. Sont-elles liées l’une à l’autre ? On peut en faire l’hypothèse.
On est en tout cas frappé par la simultanéité de la défaite politique de Trump et le retrait des troupes russes à Kherson. Le ministre de la Défense russe et le général en chef des opérations en Ukraine ont-ils attendu le résultat de l’élection américaine pour annoncer l’abandon de cette place stratégique importante ?
C’est l’Amérique jeune, plutôt féminine, progressiste et douée de raison qui a résisté.
Ils espéraient sans doute qu’une victoire des républicains changerait la donne. Encore aurait-il fallu qu’à l’intérieur même du camp républicain les candidats trumpistes l’emportent. Les liens entre Trump et Poutine étant désormais quasiment officiels, depuis que le chef des milices Wagner, Evgueni Prigojine, a avoué les intrusions de Moscou dans la présidentielle de 2016.
Mais rien de ce qu’espérait Poutine ne s’est réalisé. Trump a subi une double défaite. Son parti est très loin du raz de marée prédit par les sondages. Il ne brigue plus qu’une faible majorité à la Chambre des représentants, il a manqué la conquête du Sénat. Et ce sont les candidats du « MAGA », le « Make America Great Again », le slogan de l’ex-président, qui ont subi le revers le plus cinglant.
Cette défaite de l’extrême droite violente et complotiste est en soi une bonne nouvelle pour la démocratie. D’autant que, du côté démocrate, les jeunes pousses progressistes font nettement pencher le parti de Joe Biden à gauche (lire, à ce sujet, la correspondance d’Alexis Buisson). La question du droit à l’avortement a finalement été décisive dans ce scrutin.
C’est l’Amérique jeune, plutôt féminine, progressiste et douée de raison qui a résisté. Dépêchons-nous, cependant, de nous réjouir. Car le fond de l’air n’a pas changé du jour au lendemain outre-Atlantique. Les électeurs républicains, qui n’ont pas voulu de Trump – devenu à lui seul un orchestre de casseroles –, l’ont remplacé par un potentiel candidat plus présentable, mais tout aussi réactionnaire.
Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, recyclera à sa manière la croisade des évangélistes contre le droit à l’avortement, ainsi que la passion des armes, mais avec une certaine sensibilité à la question environnementale. Son État, il est vrai, est l’un des plus touchés par les phénomènes climatiques extrêmes. Gardons-nous, toutefois, d’enterrer Trump lui-même. Malgré ses déconvenues, celui-là ne renonce jamais.
L’encore « maître du Kremlin » a sans doute voulu éviter une confrontation humiliante avec un Joe Biden ragaillardi.
L’autre bonne nouvelle,venue de Kherson, doit tout autant être prise avec prudence. Certes, la liesse populaire accueillant les chars ukrainiens entrant dans la ville que les Russes ont occupée pendant huit mois faisait chaud au cœur. C’est une défaite majeure pour Vladimir Poutine.
Mais on sait désormais que les reculs des troupes russes sur le terrain sont suivis par une guerre à distance à coups de missiles et de drones iraniens. Si Poutine a perdu la guerre de position, il n’a pas renoncé à se venger sur les populations civiles. Rien n’indique que Kherson ne va pas subir dans les prochains jours un déluge de feu.
En attendant, Poutine est un peu plus fragilisé. C’est ainsi que l’on peut interpréter son absence au G20 de Bali, qui a débuté mardi. L’encore « maître du Kremlin » a sans doute voulu éviter une confrontation humiliante avec un Joe Biden ragaillardi. Et allez savoir s’il ne craignait pas que son éloignement de Moscou donne des idées à ceux qui, dans les cercles du pouvoir, commencent à le contester.
Mais, puisque nous voulons voir dans les événements de ces derniers jours des raisons d’espérer, notons encore un petit signe qui en résulte directement. Conforté par les élections des midterms et par la victoire ukrainienne à Kherson, Joe Biden a discrètement relancé la perspective d’une négociation pour un règlement politique du conflit.
Peut-il pousser Zelensky dans ce sens, sans donner le sentiment de le lâcher ? Le président ukrainien lui a répondu indirectement en réaffirmant ses conditions : la reconquête de tout le territoire. Une façon, pour l’instant, de fermer la porte. Mais le mot « négociation » a de nouveau été prononcé.
En vérité, plus personne n’a intérêt à faire durer un conflit dont l’onde de choc économique, sociale et environnementale parcourt la planète entière. Ce n’est certainement pas pour tout de suite, mais l’idée qu’il faudra bien négocier un jour prochain est au moins réaffirmée.
Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.
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