« Harka » de Lotfy Nathan : un pays brûlant

Le film met en scène, plus de dix ans après le Printemps arabe, un jeune Tunisien en quête de survie.

Christophe Kantcheff  • 1 novembre 2022 abonnés
« Harka » de Lotfy Nathan : un pays brûlant
© La Tunisie, plus de dix ans après la révolution du Jasmin. (Photo : Dulac Distribution.)

La Tunisie, plus de dix ans après la révolution du Jasmin. Harka donne des nouvelles de la situation de ce pays à travers Ali (Adam Bessa, excellent), un jeune homme qui, pour gagner son pain quotidien, vend de l’essence en contrebande dans la rue. En échange de quelques billets, le policier, chaque fois qu’il le voit, passe son chemin. « Harka » signifie à la fois « brûler » et, en argot, « un migrant qui traverse illégalement la Méditerranée ».

Harka, Lotfy Nathan, 1 h 22.

Ali a eu pour projet de s’exiler. Mais il est resté. Avec la mort de son père, il n’est plus question de partir. Lui, le solitaire, se retrouve responsable de ses deux sœurs cadettes habitant dans la maison familiale, qui sont sous la menace d’être expulsées.

Son frère aîné a trouvé du travail, mais c’est loin, sur la côte touristique, où il ne gagne pas suffisamment pour pouvoir aider. Pour Ali, son pays est un piège. Il n’a le choix qu’entre rester intègre, ce qui signifie la misère et la déréliction, ou s’engager plus avant dans les trafics d’essence, pour survivre. Autrement dit, Ali n’a pas le choix.

© Politis
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Un premier film qui devient peu à peu l’histoire d’une révolte individuelle et impuissante. (Photos : Dulac Distribution.)

Lotfy Nathan, d’origine égyptienne, rapporte que, devant le palais de justice de New York, où il vit, un chauffeur de taxi s’est suicidé. D’où son souhait de donner un caractère universel à ce qui est son premier film de fiction. Pour autant, il est difficile d’imaginer Harka se passant ailleurs qu’en Tunisie. La chaleur suffocante de l’été durant lequel on suit Ali semble plaquer le pays au sol. Comme s’il se figeait, comme s’il était impossible d’y changer quoi que ce soit.

Mise en scène épurée

Le cinéaste a opté pour une mise en scène épurée, quasi hiératique, sauf lorsque Ali participe aux opérations de contrebande. Il se retrouve alors dans un paysage minéral, désertique, où l’humain ressemble à un atome minuscule. En voix off, sa petite sœur (Salima Maatoug) est la narratrice.

L’amour entre eux s’exprimant par sa bouche est parfois mêlé d’incompréhension sur les faits et gestes d’Ali. Celui-ci est en effet entraîné dans des actions risquées qu’en outre, intérieurement, il réprouve. Il est aussi soumis au bon vouloir du chef du trafic d’essence, qui exploite sa misère.

Harka devient ainsi peu à peu l’histoire d’une révolte individuelle et impuissante, qui résonne fortement avec le Printemps arabe. Lotfy Nathan a tenu à tourner dans la ville où celui-ci est né, Sidi Bouzid. C’est là que Mohamed Bouazizi s’était immolé. Un peu plus de dix ans plus tard, la situation reste la même, sinon que l’indifférence des moins pauvres que lui est désormais plus grande.

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Cinéma
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