Le gouvernement s’acharne sur les chômeurs

Les détails de la réforme de l’assurance-chômage ont été présentés aux partenaires sociaux ce lundi matin. Sans surprise, le gouvernement restreint les droits des chômeurs en diminuant la durée d’indemnisation.

Pierre Jequier-Zalc  • 21 novembre 2022
Partager :
Le gouvernement s’acharne sur les chômeurs
© Des demandeurs d'emploi à l'agence Pôle emploi de Gap, en mars 2022. (Photo : Thibaut Durand / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP.)

Plus stricte quand trop d’emplois sont non pourvus, plus généreuse quand le chômage est élevé. » Voilà comment, depuis l’été, le gouvernement avec en tête le ministre du Travail, Olivier Dussopt, présentait sa nouvelle réforme annoncée de l’assurance-chômage. Les détails de celle-ci viennent d’être présentés aux partenaires sociaux. Et le ministre du Travail ne disait qu’à moitié vrai. « Plus stricte quand trop d’emploi sont non pourvus », oui clairement.

En dessous d’un taux de chômage de 9 % au sens du Bureau international du travail (BIT) en France métropolitaine ou si ce taux baisse consécutivement trois trimestres de suite, la durée d’indemnisation sera réduite de 25%, dès le 1er février 2023, avec un plancher de durée minimal à 6 mois.

Ainsi, un chômeur (excepté les intermittents du spectacle, marins, pêcheurs, dockers et les chômeurs en outre-mer) qui aurait aujourd’hui accès à 24 mois de droit à l’assurance chômage n’aura plus accès qu’à 18 mois de droit dès l’entrée en vigueur de la réforme.

En effet, avec un taux de chômage de 7,1 % dans l’Hexagone, la situation actuelle est considérée comme bonne. Ce qui implique, dans le modèle « contracyclique » du gouvernement de tailler les droits des chômeurs. Le raisonnement ? Si le marché du travail est dynamique et que des gens restent au chômage, c’est que ceux-ci profitent du système. Un raisonnement vivement contestable et contesté comme nous vous le racontions dans Politis en septembre.

Encore des économies sur le dos des chômeurs

Surtout, la deuxième partie de l’assertion du gouvernement – « plus généreuse quand le chômage est élevé » – est partie en fumée lors de la présentation de cette réforme. Car la « générosité » affichée du gouvernement n’est autre qu’un retour à la situation actuelle lorsque le taux de chômage dépassera de nouveau les 9 %. Or, le système actuel de l’assurance-chômage est loin d’être avantageux pour les chômeurs.

Lire aussi > Assurance-chômage : la fin de l’illusion

Fin 2021, le gouvernement avait déjà drastiquement taillé dedans en allongeant la durée de travail nécessaire pour l’ouverture des droits, et en s’attaquant au calcul du salaire journalier de référence (SJR) et donc de l’allocation. Une première réforme qui permet à l’Unédic, en charge de l’assurance-chômage, de réaliser d’importantes économies.

Estimé à 2,5 milliards d’euros en 2021, l’excédent augmentera, selon les projections, à 3,1 milliards d’euros en 2023 et 4,2 milliards en 2024. Des économies sur le dos des chômeurs donc. Et comme ils ont bon dos, la nouvelle réforme va poursuivre dans cette voie avec plusieurs milliards d’euros d’économies annoncés. L’Unedic en prévoit au moins 4 !

Vivement critiqué par l’ensemble des organisations syndicales, ce nouveau tour de vis est en revanche applaudi par les représentants patronaux. Pour cause, il puise en effet son origine dans la grogne des patrons qui pestent, depuis plusieurs mois, de connaître des difficultés de recrutement.

Les secteurs concernés, l’hôtellerie, la restauration, le soin à domicile, sont souvent ceux où les conditions de travail sont les plus dures et les salaires les plus bas. Mais s’attaquer à l’un ou à l’autre de ces problèmes n’est décidément pas être à l’ordre du jour gouvernemental…

Travail
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Mise en danger d’autrui, subornation de témoins… François Asselin, ex CPME, dans la tempête
Enquête 6 février 2025 abonné·es

Mise en danger d’autrui, subornation de témoins… François Asselin, ex CPME, dans la tempête

L’ex président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) est au cœur de l’enquête sur l’intoxication au plomb de plusieurs ouvriers sur le chantier de l’Opéra royal du Château de Versailles. Révélations.
Par Pierre Jequier-Zalc
Sur le chantier de l’Opéra royal du château de Versailles, « des intérimaires envoyés à la mort »
Justice 6 février 2025 abonné·es

Sur le chantier de l’Opéra royal du château de Versailles, « des intérimaires envoyés à la mort »

Ce lundi 10 février s’ouvre à Versailles un procès historique. Près de 16 ans après la grave intoxication au plomb de plusieurs intérimaires sur le chantier de restauration de l’Opéra royal du Château de Versailles, quatre entreprises et six personnes physiques sont notamment accusées de blessures involontaires et de mise en danger d’autrui.
Par Pierre Jequier-Zalc
Siham Touazi, l’infirmière qu’un Ehpad de luxe voulait faire taire
Luttes 6 février 2025 abonné·es

Siham Touazi, l’infirmière qu’un Ehpad de luxe voulait faire taire

Celle qui avait initié une grève inédite de 133 jours avec une dizaine de femmes dans un établissement cossu du Val d’Oise, est visée pour une plainte en diffamation par ses anciens employeurs. L’audience de cette « procédure bâillon » était fixée ce jeudi 6 février. Portrait.
Par Hugo Boursier
En Ardèche, la Confédération paysanne espère (enfin) renverser la FNSEA
Terrain 23 janvier 2025 abonné·es

En Ardèche, la Confédération paysanne espère (enfin) renverser la FNSEA

Alors qu’en 2019, elle a échoué à 224 voix pour remporter la chambre d’agriculture ardéchoise, la Confédération paysanne pense, cette fois, bénéficier de son ancrage local de plus en plus fort pour battre la FNSEA et son « double discours ».
Par Pierre Jequier-Zalc