Pixies, toujours sur la route du rock
Le groupe phare de la scène « indé » sort un huitième album inspiré, qui est mieux qu’une bonne surprise.
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Oui, on peut avoir été (un des groupes cultes de la scène rock indépendante des années 1990) et être encore. Les Pixies en sont la preuve, avec la sortie de leur nouvel opus, Doggerel. En français : poésie burlesque, comique – bref, des vers de mirliton…
Doggerel, Pixies (Infectious Music, BMG). En tournée en Europe en février et mars 2023. www.pixiesmusic.com
Formé au mitan des années 1980, le quatuor de Boston emmené par Black Francis aligna pendant sa première vie – jusqu’en 1993 – des albums qui marquèrent profondément la scène « indé » : Surfer Rosa (1988), Doolittle (1989), Bossanova (1990) et Trompe le Monde (1991). Soit quatre joyaux qui firent la renommée du groupe, cocktails énergisants de chansons punk-pop-grunge-rock et de textes incongrus où se croisaient des singes dans l’espace, Un chien andalou de Luis Buñuel ou encore Gustave Eiffel.
Après une séparation de onze ans, le groupe s’est reformé en 2004 pour des concerts. Puis – sans la bassiste originelle, Kim Deal, partie en 2013 – a publié trois albums : Indie Cindy (2013), regroupant trois mini-albums, Head Carrier (2016) et Beneath the Eyrie (2019). C’est donc aujourd’hui un huitième chapitre de l’histoire des « farfadets » (traduction en français de « pixies ») qui s’ouvre avec Doggerel.
Soulagement : ces douze chansons ne forment pas un « album de la maturité » d’un groupe qui serait parti défricher mollement des terres nouvelles en vue de gagner on ne sait quelle nouvelle crédibilité. Si Doggerel bénéficie de la production léchée mais un poil trop sage de Tom Dalgety, les Pixies font toujours du Pixies, comme avant, et c’est bien ainsi.
Comme aux plus belles heures
Certes, les fans de la première heure seront bien en peine de retrouver le zeste de folie des débuts, le chant parfois hurleur de Black Francis ou la capacité à ciseler des pépites mémorables comme « Debaser », « Monkey Gone to Heaven » ou « Where Is My Mind ? ».
Mais, dès l’entame de « Nomatterday », la chose est entendue : la sauce Pixies, quoique moins épicée qu’avant, fonctionne toujours. Black Francis chante avec facétie « Ne perds pas ton temps avec moi » pendant que les guitares alertes de Joey Santiago jouent des coudes avec la section rythmique (le batteur David Lovering et la bassiste Paz Lenchantin, qui remplace avec efficacité Kim Deal), comme aux plus belles heures.
Au rayon des réussites, citons aussi « Haunted House » et « Vault of Heaven » et leurs motifs pop ourlés de guitares surf, la bagarreuse « Dregs of The Wine », l’amusant et entêtant « Get Stimulated », ou encore le punchy « You’re Such a Sadducee », qui ne dépareillerait pas dans un des albums des débuts. « There’s a Moon On » rappelle de son côté que les Pixies savent toujours faire carillonner les guitares qui ont fait leur réputation, et « Pagan Man » et « Thunder and Lightning » que Black Francis n’a pas perdu son talent de mélodiste.
L’album se termine par la chanson-titre, la plus originale du lot, avec sa rythmique hip-hop où les riffs électriques finissent évidemment par s’inviter pendant que Black Francis chantonne « Je resterai avec toi jusqu’à la fin ». En 42 minutes inspirées et sans fioritures, Doggerel nous envoie un triple message : les Pixies sont toujours en vie, ont peut-être moins la rage, mais savent toujours mordre.