Police : une préoccupante évolution

Avec le changement de code de déontologie de la police en 2014, on est passé des gardiens de la paix aux forces de l’ordre.

Michel Soudais  • 2 novembre 2022 abonnés
Police : une préoccupante évolution
© Policiers lors d’une manifestation à Paris contre la loi « sécurité globale », le 5 décembre 2020. (Photo : Marie Magnin/ Hans Lucas via AFP.)

Les syndicats de police n’ont de cesse de le marteler : il existerait un mal-être des policiers dans l’exercice de leur fonction. Mais peut-on y répondre sans tenir compte du malaise de nombreux citoyens à l’égard des policiers ? Aucun ministre de l’Intérieur ne semble s’en préoccuper.

Bien au contraire, tous se voient en « premier flic de France », manière de dire qu’ils épousent la cause et les revendications de leurs troupes. Cette inclination a conduit, depuis 2002 et l’arrivée à ce poste de Nicolas Sarkozy, à multiplier les lois alourdissant toujours plus l’arsenal répressif et accroissant les pouvoirs de la police, au détriment des libertés individuelles et parfois des libertés fondamentales, comme celle de manifester.

Point n’est besoin de refaire l’histoire de ces lois qui, depuis le début des années 2000, affaiblissent les droits de l’accusé, aggravent les peines existantes, réforment à intervalle régulier la procédure pénale et renforcent les pouvoirs d’investigation de la police, pour mesurer combien celle-ci a évolué. Il suffit de comparer le code de déontologie de la police promulgué en 1986 par Pierre Joxe, qui désirait affirmer ses missions républicaines, et celui voulu par Nicolas Sarkozy puis par Manuel Valls, entré en vigueur le 1er janvier 2014.

Fuite en avant sécuritaire

La seule comparaison du premier article du décret n° 86-592 du 18 mars 1986 et de l’article R. 434-2 du Code de la sécurité intérieure, qui ouvre le code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie nationales, est éloquente. Dans la version 1986, on lit : « La police nationale concourt sur l’ensemble du territoire à la garantie des libertés et à la défense des institutions de la République, au maintien de la paix et de l’ordre publics et à la protection des personnes et des biens. » Version 2014 : « La police nationale et la gendarmerie nationale ont pour mission d’assurer la défense des institutions et des intérêts nationaux, le respect des lois, le maintien de la paix de l’ordre public, la protection des personnes et des biens. »

« La garantie des libertés » qui constituait jusqu’en 2014 la première mission de la police, a tout bonnement disparu.

« La garantie des libertés » qui, dans l’ordre d’énonciation, constituait jusqu’en 2014 la première mission de la police, a tout bonnement disparu. Priment désormais « la défense des institutions », sans référence au caractère républicain de celles-ci, ainsi que la défense « des intérêts nationaux », expression soumise à des appréciations fluctuantes. Une troisième mission consiste enfin à « assurer […] le respect des lois » quand l’article 2 du décret de 1986 spécifiait que « la police nationale s’acquitte de ses missions dans le respect […] des lois ».

Cette « inversion des termes de la mission des policiers et des gendarmes dit tout de la fuite en avant sécuritaire […] : nous sommes passés des gardiens de la paix aux forces de l’ordre », pointait à la tribune de l’Assemblée nationale, le 7 février 2017, le député Pouria Amirshahi. La suite n’a, hélas, pas démenti ce constat.

© Politis
Policiers lors d’une manifestation à Paris contre la loi « sécurité globale », le 5 décembre 2020. (Photo : Marie Magnin/ Hans Lucas via AFP.)

La latitude croissante donnée aux « forces de l’ordre » dans la répression des manifestations citoyennes, des mouvements syndicaux et sociaux depuis 2017, comme celui des gilets jaunes – que l’on songe à la création des Brav-M, ces brigades motorisées qui fondent sur les cortèges de manifestants, lesquels les surnomment « les milices à Macron » –, et la négation institutionnelle des violences policières n’ont cessé d’aggraver la fracture entre une partie de la population, notamment les jeunes, et les policiers.

D’autant que ce projet de loi de 2017 relatif à la sécurité publique, contre lequel Pouria Amirshahi défendait sans succès, dans les derniers jours du quinquennat Hollande, une motion de rejet, ouvrait la voie à la multiplication des tirs mortels pour refus d’obtempérer constatée cette année.

Il alourdissait également les peines encourues pour outrage et rébellion. Deux « délits » de plus en plus invoqués par les forces de l’ordre pour mettre à l’amende des militants, et qui accréditent l’existence d’une impunité policière.

Lire notre dossier > Faire payer les militants : l’autre arme de la répression

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