Taxation des superprofits : le débat est loin d’être fini
Selon Vincent Drezet, porte-parole d’Attac France, la question de taxer les profits exceptionnels des entreprises va se reposer inévitablement de force au gouvernement, dont l’orientation fiscale apparaît toujours plus injuste.
dans l’hebdo N° 1733 Acheter ce numéro
L’heure du débat sur les superprofits sonne sans relâche. Après la tragi-comédie de la fin d’été qui a vu un gouvernement nier leur existence et faire la sourde oreille à ceux qui estimaient juste et nécessaire de les imposer au-delà du taux normal de l’impôt sur les sociétés, l’histoire aura donc tranché. Les superprofits existent bel et bien et il est possible de les imposer. Le débat mené dans le cadre d’une mission flash de l’Assemblée nationale et le dispositif de l’Union européenne en attestent.
Celui-ci consiste d’une part, à instaurer une taxe de 33,3 % sur les profits excédant 1,2 fois la moyenne des profits des années précédentes et d’autre part, à plafonner les recettes des entreprises fournisseuses d’énergie à 180 euros/mégawattheure. Les États avaient tout loisir de l’améliorer et de compléter.
Tel n’a pas été le choix du gouvernement qui s’est concentré d’une déclinaison stricto-sensu de ce dispositif. Il en espère 5 à 7 milliards d’euros, dont seulement 200 millions pour la taxe proprement dite alors qu’une taxe sur l’ensemble des superprofits pourrait rapporter 10 à 20 milliards d’euros comme l’Alliance écologique et sociale (composée de la CGT, l’Union syndicale Solidaires, la FSU, Attac, Oxfam, Greenpeace, France nature environnement…) l’a montré.
Les futures annonces des profits réalisés par les grands groupes en 2022 contribueront à faire revenir le débat.
Ce débat reviendra, sans doute en force, pour plusieurs raisons.
Les futures annonces des profits réalisés par les grands groupes en 2022 y contribueront. Leurs résultats trimestriels profilent une nouvelle vague de superprofits. Le secteur de l’énergie n’est pas le seul concerné : le luxe et les banques sont orientés à la hausse… La trajectoire budgétaire du gouvernement sera également à prendre en compte. Les dépenses de l’État baisseront de 2,6 % en 2023 par rapport à 2022. Loin de permettre de faire face aux enjeux de la période, elles seront au surplus financées par un système fiscal qui a connu et connaîtra encore de profondes mutations.
Le bilan fiscal de ces dernières années demeura un élément essentiel du débat fiscal. Le prélèvement forfaitaire unique et la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière se sont révélées être des mesures coûteuses, injustes et inefficaces : le Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital de France Stratégie a montré que ces dispositifs ont plus incité à d’importantes distributions de dividendes qu’à investir, tandis que leur gain a été très concentré sur les ménages les plus riches.
Les choix du gouvernement font peser, plus qu’auparavant, la charge fiscale sur les ménages au travers du paiement des impôts indirects, les plus injustes par nature.
La baisse du taux nominal de l’impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 % en 2022 s’est accompagnée d’une transformation du crédit d’impôt compétitivité emploi en allègement de cotisation sociale, avec un premier bilan dressé par France Stratégie lui aussi bien maigre.
Cela n’a pas empêché le gouvernement de baisser les impôts locaux des entreprises pour finir par supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) , une mesure qui profitera essentiellement aux 10 000 plus grandes entreprises, soit celles qui ont déjà capté 66 % des gains la baisse de 50 % de la CVAE.
Les petites entreprises ne payant pas cet impôt, elles ne bénéficieront donc pas de sa suppression. Ajoutée à la suppression de la taxe d’habitation (qui n’aura pas bénéficié aux 15 % des ménages les plus pauvres, exonérés), cette mesure met par ailleurs les finances des collectivités locales entre les mains de l’État.
Cette orientation fiscale produit plusieurs effets. Elle fait peser, plus qu’auparavant, la charge fiscale sur les ménages, notamment les classes moyennes et les plus pauvres, au travers du paiement des impôts indirects, les plus injustes par nature. Elle dégage des marges de manœuvre pour que les grandes entreprises distribuent davantage de dividendes.
Enfin, elle empêche de faire face aux besoins sociaux, écologiques et économiques, avec le risque évident de voir le secteur marchand prendre ne charge des besoins qui relèvent de l’intérêt général et de l’action publique.
Dans un tel contexte, la réforme des retraites ne peut qu’ajouter au sentiment d’injustice.
Dans un tel contexte, la réforme des retraites, pensée comme un moyen de réduire la dépense publique en baissant la part des retraites dans le PIB (ce qui, dans le contexte démographique, se traduirait par une baisse du montant moyen des pensions), ne peut qu’ajouter au sentiment d’injustice.
Le gouvernement s’apprête à faire payer la facture importante d’aides non conditionnées aux entreprises, du bouclier tarifaire et plus largement du financement des politiques publiques à une population dont le pouvoir d’achat et les droits, donc au final le niveau de vie, continuera forcément à se dégrader.
Car ses choix contribuent à déséquilibrer un peu plus la répartition des richesses, à nourrir le ras-le-bol des injustices fiscales et sociales et à miner le consentement à l’impôt pilier d’une société démocratique. La légitimité du débat sur la taxation des superprofits et, au-delà, sur la nécessité d’engager une réforme pour une fiscalité orientée vers la justice fiscale, sociale et écologique et pour renforcer la lutte contre l’évasion fiscale s’en trouve renforcée.
Vincent Drezet est porte parole d’Attac France.
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