À propos de « censure »
L’affaire du retrait d’« Antifa, le jeu » par la Fnac dit au fond tout ce qu’il y a à savoir de ces droites qui aiment tant les censures qu’elles prétendent dénoncer.
dans l’hebdo N° 1735 Acheter ce numéro
Depuis des années, la droite et l’extrême droite, épaulées par leurs journalistes d’accompagnement (JD’A), se posent en victimes de la « censure » : on ne compte plus les couvertures de Valeurs actuelles (1) trompetant qu’« on ne peut plus rien dire ».
Liste non exhaustive, où Le Figaro et Marianne, parmi d’autres, entreraient tout aussi bien.
Bien évidemment, c’est un mensonge. Et même un double mensonge. Car, d’une : dans la vraie vie, ces droites peuvent, hélas, très librement dire les pires vilenies et ne s’en privent assurément pas, comme chacun pourra en témoigner s’il s’égare sur les chaînes dites « d’info » ou « de divertissement » du groupe Bolloré. De deux : dans la vraie vie, ce sont ces droites et leurs JD’A qui encouragent et tolèrent la censure, comme l’actualité vient, très opportunément, et encore une fois, de nous le rappeler.
La Fnac vendait, jusqu’au 26 novembre, un jeu de société antifasciste, conçu par le très recommandable site La Horde et publié par les éditions Libertalia sous ce sobre titre : « Antifa, le jeu ».
Cette commercialisation d’un jeu formant à la résistance contre la haine d’extrême droite a, sans surprise, très fortement déplu à plusieurs élus réactionnaires et à leurs JD’A, qui s’en sont bruyamment offusqués.
Elle a scandalisé aussi le Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN), qui a confectionné, le 26 novembre, pour la dénoncer, ce tweet rageur : « Ce “jeu” est en vente à la Fnac. @Fnac un commentaire pour ainsi mettre en avant les antifas, qui cassent, incendient et agressent dans les manifestations ? »
La réponse de la Fnac a beaucoup plu à ces commissaires fâchés, qui se sont fendus d’un grand « merci ».
Quelques heures plus tard, la Fnac, cédant vitement sous cette double pression droitière et policière, a très gentiment répondu, en reprenant les guillemets qui, dans le tweet du SCPN, suggéraient faussement que ce jeu antifasciste n’en était pas vraiment un : « Nous comprenons que la commercialisation de ce “jeu” ait pu heurter certains de nos publics. Nous faisons le nécessaire pour qu’il ne soit plus disponible dans les prochaines heures. »
Cette réponse a, elle, beaucoup plu à ces commissaires fâchés, qui se sont fendus d’un grand « merci (2)». Et qui ont donc remercié la Fnac d’avoir censuré un jeu antifasciste dont ils venaient de dénoncer la commercialisation (3).
Devant le tollé suscité par cette censure, le même syndicat a ensuite protesté qu’il n’avait pas du tout demandé que ce jeu soit retiré de la vente par la Fnac. Mais alors : pourquoi ce chaleureux remerciement ?
Est-ce que les droites et leurs JD’A se sont alarmé·es de cette censure ? Non pas. Le directeur de Valeurs actuelles a plutôt demandé, sur une chaîne du groupe Bolloré : « Imagine-t-on la réaction médiatique et politique si “Militant patriote, le jeu”, l’inverse du “jeu” antifa, existait ? »
Réalisant peut-être – mais assurément un peu tard – l’énormité de sa faute morale, la Fnac a finalement décidé de remettre le jeu en vente. Perso : je fais mes courses ailleurs.
Pour ce journaliste engagé, « l’inverse » d’un·e antifasciste est donc un « militant patriote » : cet aveu, d’importance, dit au fond tout ce qu’il y a à savoir de ces droites qui aiment tant les censures qu’elles prétendent dénoncer.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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