« Depois do silêncio » : retour au Brésil
Pour dire le racisme structurel au Brésil, Christiane Jatahy adapte un roman d’Itamar Vieira Junior paru en 2019. Elle convoque aussi de nombreux matériaux qui étouffent le théâtre plutôt que de le nourrir.
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Jusqu’au 16 décembre au Centquatre, Paris, puis à Besançon, Villeurbanne…
Si Christiane Jatahy n’a jamais cessé de parler du Brésil, en particulier de ce qui y va mal, elle ne l’avait pas fait depuis longtemps avec des comédiens de son pays. Soutenue par plusieurs lieux majeurs en France – notamment le Théâtre de l’Odéon et le Centquatre à Paris, où sa nouvelle pièce est présentée –, récompensée en 2022 par le Lion d’or du théâtre de la Biennale de Venise, l’artiste a en effet mis en scène, ces dernières années, de nombreux spectacles avec des distributions européennes.
En outre, bien que consacrés au Brésil contemporain, les deux premiers volets de sa « Trilogie des horreurs » sont des adaptations d’œuvres occidentales : Macbeth, de Shakespeare, dans le premier, Dogville, de Lars von Trier, dans le deuxième. Avec son troisième volet, Depois do silêncio (Après le silence), Christiane Jatahy fait son grand retour au Brésil natal.
Parution en France en mars 2023, chez Zulma.
Dans cette pièce, l’artiste jette son dévolu non pas sur un texte ou un film internationalement célèbre comme elle l’a très souvent fait, mais sur un livre dont la réputation est encore à ce jour essentiellement brésilienne. Publié en 2019, Torto Arado (La Charrue tordue), premier roman du géographe Itamar Vieira Junior (1), a connu un grand succès au Brésil pendant la pandémie.
Racisme structurel
En décidant d’adapter cette fiction au théâtre, Christiane Jatahy dit la portée universelle de la question très locale que l’assassinat d’un leader d’une ligue paysanne raconte : l’accès à la terre des communautés rurales de Bahia dans le Nordeste du Brésil. Interprété par trois comédiennes afro-brésiliennes et indigènes et par un ogun, un musicien habilité à jouer pendant les fêtes religieuses, le spectacle entend dénoncer un racisme structurel, survivance de l’esclavage dans la société moderne.
Hélas, Christiane Jatahy multiplie trop les approches pour toucher à son but. Fidèle à son goût de la rencontre entre théâtre et cinéma, elle déploie en parallèle du récit de Torto Arado un montage vidéo où se côtoient des images d’hier et d’aujourd’hui.
En plus d’extraits du documentaire Cabra marcado para morrer (Un homme marqué par la mort, 1984), d’Eduardo Coutinho, relatant un assassinat proche de celui que décrit Itamar Vieira Junior, Depois do silêncio montre un film réalisé par Christiane Jatahy dans le Nordeste. Au lieu de nous rendre sensible et intelligible le riche sujet de la pièce, l’emboîtement de formes dont elle est faite nous met à grande distance de lui.