Brésil : le legs vénéneux du bolsonarisme

L’obscène réplique brésilienne – ce dimanche à Brasilia – de l’assaut du Capitole par les trumpistes il y a deux ans, montre à quel point le bolsonarisme a empoisonné les institutions démocratiques du pays. La légitimité de Lula s’en trouve momentanément renforcée.

Patrick Piro  • 10 janvier 2023
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Brésil : le legs vénéneux du bolsonarisme
Les supporters de Bolsonaro à l'assaut du Congrès national du Brésil, à Brasilia, le 8 janvier 2022.
© Photo by Sergio Lima / AFP.

L’onde lumineuse de l’investiture de Lula aura été réduite à un flash, dimanche 8 janvier. Une semaine après avoir exposé l’acte historique du retour de la démocratie et de l’espoir, la place des Trois-Pouvoirs de Brasília a été le siège, à l’exact antipode, d’une invraisemblable mise à sac.

En une vulgaire réplique de l’assaut du Capitole de Washington par des extrémistes pro-Trump, il y a deux ans, des centaines de partisan·es de Bolsonaro, réfutant sa défaite au scrutin présidentiel, ont envahi le Congrès, le Palais présidentiel et le Tribunal suprême fédéral, vandalisant salles et mobilier. Après le frisson des envolées du tribun Lula, le ressac de la haine de la démocratie laissée en héritage par l’ex-président d’extrême droite.

La déstabilisation n’a pas eu besoin de Bolsonaro, jouet d’événements le dépassant.

Si les forces de l’ordre ont fini par reprendre la situation en main, au bout de quatre heures d’un chaos documenté en direct par les vidéos triomphalement diffusées par les assaillant·es, la démocratie brésilienne a bel et bien vacillé. Non pas que le pays ait frôlé le coup d’État : nulle tête pensante à l’horizon pour revendiquer d’enlever le pouvoir aux autorités démocratiquement désignées.

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Quant aux banderoles appelant à l’intervention de l’armée « pour remettre de l’ordre dans le pays », cela fait des années qu’elles sont brandies sur la place des Trois-Pouvoirs par des nostalgiques du renversement du gouvernement civil par les maréchaux en 1964. En dépit de l’accointance marquée de nombreux militaires pour Bolsonaro, l’armée n’a jamais insinué, ces dernières années, qu’elle pourrait refaire le coup « s’il le fallait ».

La déstabilisation de dimanche n’a pour autant pas pris fin avec les mesures sécuritaires prestement décrétées par un Lula très remué. Car pour prospérer, elle n’a pas eu besoin de Bolsonaro, en exil en Floride depuis deux semaines et qui a paru le jouet d’événements le dépassant.

L’assaut sur les Trois-Pouvoirs interpelle d’abord par son ampleur. Il a mobilisé quelque 4 000 « vandales fascistes », comme Lula les a qualifiés. Mais il y a plus préoccupant que ces troupes exaltées, biberonnées aux bobards complotistes de groupes Whatsapp hermétiques au monde réel. Car le bolsonarisme a profondément empoisonné les institutions démocratiques.

Ainsi, la police du district fédéral de Brasília, bien trop vite débordée, voire complaisante parfois avec les casseurs. Alors que les réseaux sociaux bruissaient depuis des semaines d’appels annonciateurs de l’invasion, le secrétaire de la sécurité publique de Brasília, un ex-ministre de la Justice de Bolsonaro, se trouvait en vacances avec lui aux États-Unis.

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ll a été démis par le gouverneur du district fédéral… lui-même suspendu dans la foulée, pour 90 jours, par le Suprême tribunal fédéral — c’est aussi un ami fervent de Bolsonaro. Et c’est déjà au sein de son gouvernement que Lula doit gérer le legs bolsonariste. Ainsi le ministre de la Défense, que lui a imposé l’armée, avait toléré les campements bolsonaristes bloquant les casernes, jugeant ces manifestations « démocratiques ».

La légitimité de Lula s’en trouve momentanément renforcée.

Reste que l’obscénité des événements de dimanche a imposé un front de condamnation unanime à la classe politique, même très à droite. La légitimité de Lula s’en trouve momentanément renforcée. Pour autant ce grand conciliateur se voit désormais commis à une fermeté sans faille contre la peste bolsonariste et ses réseaux, tout en évitant de laisser ses partisans tomber dans le piège d’une nauséabonde chasse aux sorcières. Car sur sa gauche montent déjà, sur fond du leitmotiv d’une « amnistie zéro », des appels à la délation des « terroristes du 8 janvier ».

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Parti pris

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