Honey Harper : de la country d’aujourd’hui
Honey Harper propose une recréation réussie des grandes heures de la néocountry des années 1970.
dans l’hebdo N° 1741 Acheter ce numéro
Honey Harper & The Infinite Sky / Honey Harper / Pias
Honey Harper propose une recréation réussie des grandes heures de la néocountry des années 1970.
« De la musique country, ou du moins ce qui en tenait lieu de nos jours, s’échappait de l’autoradio. » James Sallis écrivait cette phrase en 2007 dans son roman Salt River et le hasard fait qu’on la lit parallèlement à l’écoute du deuxième album d’Honey Harper, les deux se percutant étrangement. Comme une réponse du musicien natif de Géorgie, aujourd’hui installé au Canada, à l’état des lieux désabusé du romancier.
Avec un ton, une façon d’utiliser la voix au bord de l’étranglement, la gravité latente et toute l’artillerie country pour porter l’ensemble. À commencer par les pedal steel guitars, lap steel guitars et autres slide guitars tenues par Connor Gallagher, déjà entendu chez Calexico, ces glissandos sur les cordes qui font que les chansons semblent traverser une vitre griffée de lignes de pluie. Et en réussissant à éviter à la fois l’écueil d’une modernisation factice, celui d’une reproduction trop fidèle du passé et toute forme de parodie. Tout en s’inspirant de certaines grandes heures du genre.
William Fussell, alias Honey Harper, ne cache pas l’influence de Gram Parsons, ange éphémère plus proche d’Hollywood que de Nashville, passé par les Byrds – rapidement, car il prenait trop la lumière aux yeux du patron McGuinn –, avant de fonder les Flying Burrito Brothers et d’enregistrer deux albums solos, ultimes testaments avant un aller simple pour l’au-delà. Un passage bref qui a marqué l’histoire de la musique américaine bien au-delà des frontières de la country.
Atmosphère douce, sombre et pesante
À partir de cela, Harper trouve quelques arguments de poids pour convaincre, lesquels se concentrent particulièrement sur un morceau comme « Broken Taken » (voir vidéo ci-dessous), tellement réussi qu’il emporte tout, avec sa touche soul et ses chœurs féminins, comme s’il avait été enregistré dans les mythiques studios Muscle Shoals en Alabama plutôt que dans un studio de Los Angeles.
Et du début du disque jusqu’à la ritournelle gospel finale, « Big Sky », on se laisse prendre par ces chansons signées par Fussell et son épouse, Alana Pagnutti, dont la concision n’est pas une des moindres qualités, dans leur construction générale comme dans certaines phrases (« Difficile de gagner sa vie / Quand on ne vit pas du tout »).
Des chansons porteuses d’une gravité inhérente aux affres de l’existence, qui touche parfois celle des auteurs eux-mêmes (« Parfois, je suis tellement fatigué de faire de la musique / Je veux juste vivre »), que l’instrumentation et les voix s’emploient en permanence à dépeindre, créant une atmosphère à la fois douce, sombre et pesante. Rien à redire si c’est ce qui tient lieu de country aujourd’hui.