« Humains et autres qu’humains »

L’Espérance, ou la traversée de l’impossible de Corine Pelluchon, un beau livre de combat sur la nécessité de se sentir concernés par le sort des autres êtres sensibles.

Sébastien Fontenelle  • 18 janvier 2023
Partager :
« Humains et autres qu’humains »
Foule dans un restaurant de Melbourne, Australie.
© Yong Chuan Tan / Unsplash.

L’Espérance, ou la traversée de l’impossible (1) est un livre important. Son autrice, la philosophe Corine Pelluchon – que son éditeur présente à raison comme « l’une des voix les plus importantes » de l’époque « dans la défense de la cause animale et environnementale » (2) –, le confesse pudiquement lorsqu’elle écrit qu’en parlant « des autres » elle dit en réalité sa « propre expérience » : elle est vulnérable aux affres de la dépression.

1

L’Espérance, ou la traversée de l’impossible, Corine Pelluchon, Rivages, 144 pages, 18 euros.

Pour en sortir – ou pour les contenir –, elle en appelle, plutôt qu’à l’« espoir », dans lequel nous restons « encore » trop « préoccupés de nous-mêmes », à une « espérance » éminemment politique.

Dans les moments extraordinairement anxiogènes où « l’injustice et le cynisme triomphent » et où « les changements à apporter pour lutter contre la destruction de la planète, améliorer la condition animale et mieux répartir les richesses se font attendre ou sont bloqués », cette espérance représente « un retour à la vie » : elle porte « la certitude qu’en dépit des déceptions et des rendez-vous manqués, des retards et de quelques régressions, quelque chose se passe, qui va réorienter le cours des choses et générer un progrès ».

2

On lui doit notamment un très accessible et très abordable Manifeste animaliste,
republié en 2021 en poche chez Rivages, dont nous avons déjà parlé ici même, dont la lecture est indispensable et nécessaire.

On voudrait pouvoir citer au long cours ce beau livre de combat, toujours fluide et profondément pétri d’altruisme et de bonté. Citer, par exemple, les pages où Corine Pelluchon dénonce – dans le sillage du sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa (3) – « les conditions de travail et l’accélération qui oblige les êtres à remplir des tâches multiples et qui augmente les cadences, comme le flux des échanges et la production aliènent les personnes, étouffant leur créativité et leur spontanéité et les empêchant d’avoir un rapport signifiant au monde, aux autres et à elles-mêmes ».

3

Accélération. Une critique sociale du temps, Hartmut Rosa, traduit de l’allemand par Didier Renault, La Découverte Poche, 2013.

Ou celles, magnifiques, où elle redit l’importance absolue, « devant la montée du nationalisme, les tentations autoritaires et les politiques de puissance », de « parler de bien-être animal » et d’« écologie ». Car, loin d’être « vain », ce double engagement nous rappelle, dans un temps où elle se trouve si gravement menacée, à notre commune humanité, et à cette évidence : « Le fait de se sentir concerné par le sort des autres êtres sensibles et de vouloir transmettre une planète habitable témoigne du désir d’avoir un rapport à autrui et au monde qui ne soit pas un rapport de domination. »

D’inventer, en somme, une communauté d’êtres humains souhaitant « vivre mieux, manger mieux, en faisant leur bien avec le moins de mal possible pour les autres, humains et autres qu’humains ».

Tout Politis dans votre boîte email avec nos newsletters !
Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don