PS : Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol, d’accord sur le fond, divergents sur l’union
Si l’actuel Premier secrétaire du PS et le maire de Rouen, qualifiés pour le second tour pour briguer la tête du parti, s’accordent plutôt sur la ligne politique, ils s’opposent sur une question stratégique : la Nupes.
C’est comme si l’affiche du second tour était déjà connue quelques jours plus tôt. Dimanche 8 janvier, Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol avaient ainsi fait le même pèlerinage et s’étaient recueillis devant la même tombe pour célébrer le 27e anniversaire de la mort de François Mitterrand à Jarnac, en Charente. Hélène Geoffroy, la troisième candidate, n’était pas là.
La prédiction était donc juste : ce jeudi 12 janvier, les 41 000 adhérents, dont 22 944 suffrages exprimés, ont porté largement en tête le texte d’orientation de l’actuel Premier secrétaire est arrivé en tête avec 49,15 % des suffrages exprimés. Il devance celui du maire de Rouen qui obtient un peu moins d’un tiers des suffrages (30,51 %), celui d’ Hélène Geoffroy (environ 20,34 %) arrivant en troisième position. Les adhérents socialistes devront donc choisir le 19 janvier qui, d’Olivier Faure ou de Nicolas Mayer-Rossignol, sera leur Premier secrétaire.
Deux candidats aux lignes opposés sur la question de la Nupes. « Quand François Mitterrand devient secrétaire, le PS est à 5 % et il fait le choix d’un ancrage à gauche, d’un programme commun avec les communistes, à un moment où tout le monde le condamne », lance Olivier Faure. Devant la presse ce 8 janvier, l’actuel patron refait alors l’histoire et joue la même partition depuis le début de sa campagne : il défend l’alliance coûte que coûte.
Dans l’autre camp, la chanson est un peu différente. Nicolas Mayer-Rossignol veut incarner une « troisième voie » : ni pro-Nupes, ni anti. « Coup marketing », « accord électoral perdant »… Cette alliance n’a pas reçu beaucoup de louanges de sa part. Elle « peut être utile », mais elle « ne peut pas être le cadre politique durable de l’union de toute la gauche et des écologistes », affirme son texte d’orientation.
La Nupes, c’est un accord électoral passé, conclu dans un contexte politique précis.
En bref, « la Nupes, c’est un accord électoral passé, conclu dans un contexte politique précis et qui ne nous a pas permis de gagner », résume Lamia El Aaraje, la proche d’Anne Hidalgo, très active auprès du maire de Rouen et grande sacrifiée de cet accord en juin.
Elle avait été écartée au profit de l’insoumise Danielle Simonnet dans sa circonscription, mais avait quand même décidé d’être candidate. Au sein de l’équipe Mayer-Rossignol, on sous-entend que cette alliance est à rediscuter. Notamment parce qu’elle n’intègre pas « toutes les composantes de la gauche ». Un appel du pied au Parti radical de gauche ?
Divisions sur l’union
Au sein du clan Faure, on estime que cet accord a permis de replacer le PS « au cœur de la gauche ». « Il faut vivre dans le monde réel. Nous ne sommes plus en 2010 et le Parti socialiste n’est plus ce qu’il était, affirme Sarah Kerrich-Bernard, membre du conseil national et soutien du Premier secrétaire. Il faut redessiner notre gauche, et non pas se contenter d’un espace intercalé entre Emmanuel Macron et les autres forces de gauche ».
Une reconstruction « uniquement permise dans un cadre unitaire, et non dans l’isolement », selon Laurent Baumel, ancien négociateur de la Nupes. Une pique lancée à la mesure phare du projet de Mayer-Rossignol.
Il faut redessiner notre gauche, et pas se contenter d’un espace intercalé entre Emmanuel Macron et les autres forces de gauche.
Car « NMR » ne jure que par un seul mot décliné au pluriel : « refondations », du nom du texte qu’il porte. Le moyen ? Des « états généraux de la gauche » qui dureront trois ans. Une sorte de « Grand débat national » auprès des militants et sympathisants socialistes qui se tiendrait potentiellement en dehors de la Nupes.
Une façon aussi d’adresser quelques critiques à l’actuelle direction pour son « manque de clarté » : « Quelle est la position du PS sur le nucléaire ? Sur la transition énergétique ? Sur les retraites ? Le PS est-il productiviste ou non ? Et figurez-vous que personne ne sait me répondre. Beaucoup ont un avis. Mais ce n’est pas une position officielle d’un parti politique ayant vocation à gouverner la France », lance Lamia El Aaraje, possible binôme de Mayer-Rossignol à la tête du parti s’il arrive à remporter l’élection.
Social-écologisme
Mais sur le fond, les deux textes convergent plutôt. Au sein des troupes de Faure, on veut tourner la page de la social-démocratie. L’actuel Premier secrétaire parle désormais à longueur de journée de « socialisme écologique ».
Le 14 décembre, il a échangé avec Paul Magnette, le président du PS belge et chantre de l’écosocialisme au sein de la gauche européenne. Tristan Foveau, secrétaire national chargé de l’Écologie, trace ce même cap : « Le PS doit prendre la ligne social-écologiste. C’est la seule ligne qui peut transcender l’ensemble de l’électorat de gauche. »
Faure ne représente plus l’espace politique pour lequel il a été élu.
Même son de cloche chez « NMR ». « Je crois que le PS est aujourd’hui résolument social-écologiste. Le cas échéant, il n’a rien compris aux temps qui courent et aux urgences du moment », explique Lamia El Aaraje. Mais il n’est pas encore question d’abandonner le logiciel auquel le PS est habitué.
Surtout quand Hélène Geoffroy, bien attachée à la social-démocratie version François Hollande et à l’économie de marché, a promis de soutenir Nicolas Mayer-Rossignol. « Le parti doit occuper un espace social-démocrate de gauche, plus central que ce qu’il est aujourd’hui, souhaite un membre du conseil national partisan de « Refondations ». Faure ne représente plus l’espace politique pour lequel il a été élu. »
Sous-entendu, en acceptant l’accord avec les écolos, les communistes et, surtout, les insoumis pour les législatives, « Faure a décentré le parti », souligne ce même membre du conseil national. Traduction : le PS serait désormais inféodé à la LFI et ne penserait qu’à travers lui. Pour Mayer-Rossignol, il n’est donc pas question de céder d’un pouce sur ses idées, surtout quand il s’agit d’Europe.
Le PS est « un parti résolument pro-européen, qui croit en l’Europe de la défense, en l’Europe sociale », affirme la proche d’Anne Hidalgo qui souhaite « une voie ni sociale-libérale, ni sociale-populiste ». Critique à peine voilée à l’attention de Jean-Luc Mélenchon. Nicolas Mayer-Rossignol a voté « non » lors du référendum en 2005 sur le traité constitutionnel européen. Mais, en bon ancien fonctionnaire européen qu’il a été pendant cinq ans, il est loin d’être un eurosceptique. Aucune chance qu’il décide d’emmener le PS dans une liste commune avec La France insoumise.
Les européennes en ligne de mire
Sur ce point toutefois, la direction a éteint les braises. « Contrairement à ce qui a été prétendu, aucun accord sur les questions européennes n’a été acté au moment de la constitution de la Nupes », affirme le texte d’orientation d’Olivier Faure. Comprendre : le sujet sera débattu en interne.
Pour un membre du conseil national bien informé, « c’est surtout une manière de réunir dans le même clan Laurent Baumel, qui pousse pour une liste Nupes aux européennes, et Johanna Rolland, plutôt partisane d’une liste social-écologiste ».
Aucun accord sur les questions européennes n’a été acté au moment de la constitution de la Nupes.
La maire de Nantes et ancienne directrice de campagne d’Anne Hidalgo sera même numéro deux du parti si Olivier Faure est reconduit. Au sein de la direction, on remet le sujet à plus tard : « 2024 ? La situation va beaucoup bouger en deux ans. Il y aura peut-être même une dissolution entre-temps. » Et dans une semaine lorsque les militants trancheront entre ses deux candidats, qui sait quelle route prendra alors le PS ?
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don