Parlement de la Nupes : opération décloisonnement ?

Le Parlement de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale saura-t-il agréger les forces sociales, intellectuelles, artistiques et politiques lors de la séquence majeure qui s’annonce ?

Pierre Jacquemain  • 11 janvier 2023 abonné·es
Parlement de la Nupes : opération décloisonnement ?
Aurélie Trouvé, députée de la 9e circonscription de Seine-Saint-Denis, présidente du parlement de la Nupes en juin 2022, à La Bellevilloise à Paris, lors d'une réunion publique.
© Virginie Haffner / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP.

L’une des raisons des échecs de la gauche au cours de ces dernières décennies réside sans doute dans son éparpillement. Des mondes qui existent, s’inventent, mais sans jamais se rejoindre. En s’ignorant parfois. En méprisant les histoires de chacun, souvent. Les politiques, les syndicats, les organisations non gouvernementales, les artistes, les intellectuels. Chacun a sa place. De coagulation, il n’y a point. De convergence non plus.

Ainsi Jean-Luc Mélenchon a-t-il théorisé l’idée qu’il fallait vivre ce collectif dans une même organisation. C’était son projet de « Fédération » ou de « Front populaire ». L’objectif : décloisonner. En finir notamment avec la charte d’Amiens, qui confère aux seules organisations syndicales la défense des revendications des travailleurs, de manière indépendante des organisations politiques.

« Il faut savoir faire équipe et savoir joindre les efforts de mobilisation entre la sphère politique et la sphère du mouvement social. Et je dis “le mouvement social” en pensant non seulement au syndicalisme, mais aussi à tout l’univers associatif, lui aussi laissé de côté, à présent, en dépit de ses propres efforts pour se mobiliser. Bref, nous avons besoin d’une convergence populaire», écrivait-il sur son blog en 2016 – pour en finir avec une «bataille entre marxistes et anarchistes» qui se termina par l’adoption d’une charte vieille de plus d’un siècle, et qu’il juge obsolète.

C’est à l’occasion de l’élection présidentielle de 2022 que l’insoumis fera émerger le Parlement de l’Union populaire (PUP), «l’alliance des champs associatif, syndical, intellectuel, artistique et politique pour prendre le pouvoir», peut-on lire sur le site de l’insoumission. Trois cents personnalités ont ainsi rejoint le PUP en janvier 2022, parmi lesquelles de nombreux universitaires (Razmig Keucheyan, Barbara Stiegler, Cédric Durand, etc.) ou de grands noms de la littérature (Annie Ernaux, Laurent Binet…).

L’histoire se répète

Les ralliements qui se sont opérés autour du PUP ont largement alimenté la campagne du candidat Mélenchon : «Ce parlement a été pour nous un espace de respiration. Un lieu d’échange et de convivialité. C’était extrêmement important. De nos rencontres et ateliers ont émergé de nombreuses idées pendant la campagne », glisse l’un des tout premiers ralliés au parlement, économiste.

Ce parlement a été pour nous un espace de respiration.

D’autres voix chez les intellos dressent un bilan plus mitigé. Pour ce scientifique qui a rejoint très rapidement le PUP, «c’était une idée géniale, ce parlement. Mais j’ai l’impression qu’on a davantage servi de caution et de faire-valoir à un candidat qu’à l’élaboration d’un projet collectif ». Parce que c’est le risque. L’histoire se répète. Et si les intellectuels hésitent tant à se mêler de politique, c’est qu’ils redoutent toute forme d’instrumentalisation.

Razmig Keucheyan avait souhaité qu’après la campagne présidentielle, « le PUP soit l’embryon d’une sorte d’organisation, ni aussi rigide qu’un parti, ni un mouvement à l’état gazeux », estimant qu’à travers lui, «une restructuration des gauches était possible», déclarait-il à Mediapart en février 2022. Avec la Nupes, le PUP s’est agrandi. Il est devenu le Parlement de la Nupes.

Aurélie Trouvé, députée LFI et ex-porte-parole d’Attac, en a pris la présidence. De nouvelles personnalités issues du monde de la recherche, de la pensée et des idées ont rejoint les rangs. Mais depuis septembre, il ne s’est réuni qu’une fois. De quoi donner crédit à ses détracteurs, qui voient dans le Parlement de la Nupes un instrument LFI au service de Mélenchon.

Alors que s’ouvre une séquence sociale cruciale avec la réforme des retraites, le Pupes saura-t-il éviter l’hémorragie de ses membres et prouver le contraire, c’est-à-dire agréger les forces sociales, intellectuelles, artistiques et politiques ? C’est l’engagement pris par Aurélie Trouvé, à qui l’on doit déjà le collectif Plus jamais ça, regroupement inédit de syndicats, d’ONG et d’associations qui avait accouché de 34 mesures pour sortir de la crise covid. Ne reste plus qu’à sortir la gauche de la crise.

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