Retraites et écologie, même combat ?
L’urgence écologique pose la question de l’habitabilité de notre planète demain. L’urgence sociale pose celle de l’égalité, aujourd’hui. Le billet de Jérôme Gleizes, enseignant et conseiller EELV de Paris.
dans l’hebdo N° 1739 Acheter ce numéro
Faut-il opposer retraites et écologie au nom de l’urgence de la crise écologique ? Poser une telle question serait une erreur d’analyse, car ces deux sujets ne sont pas du même registre, et elle alimente par ricochet la confusion entretenue par le gouvernement sur l’urgence d’une réforme des retraites pour les générations futures.
La retraite est toujours un mécanisme de redistribution de la richesse produite à l’instant t, que ce soit par répartition ou par capitalisation. Les dernières réformes semblent se faire en douceur en reculant progressivement le moment de départ à la retraite ou en rallongeant la durée minimale de cotisation.
Ce n’est pas de la solidarité intergénérationnelle d’aujourd’hui pour demain, car le montant de la pension perçue dépendra du niveau de richesse et de la population active de demain. En revanche, nos choix de production et de consommation d’aujourd’hui détermineront les conditions d’habitabilité de la planète de demain.
La responsabilité intergénérationnelle sur le climat est très forte à cause de l’inertie des phénomènes thermodynamiques. Nos choix passés d’une dépendance aux énergies fossiles et à l’agro-industrie, fortement émetteurs de gaz à effet de serre, expliquent les dérèglements climatiques actuels. Et, si rien n’est fait, la situation va encore plus se dégrader. Au pire, nous assisterons à un effondrement de nos sociétés.
Les dernières réformes du système de retraite ne visent jamais l’équilibre comptable, mais la spoliation des classes populaires.
En cas d’effondrement du produit intérieur brut (PIB), la richesse produite en unité monétaire reculera fortement et donc les inégalités exploseront, quelles qu’elles soient, entre générations, entre classes sociales, entre pays. La retraite par répartition, c’est du transfert de salaire des actifs vers les retraité·es. La retraite par capitalisation, c’est du transfert de revenus financiers, prélevés sur le PIB. Dans les deux cas, le financement des retraites n’est plus assuré.
Urgences climatique et sociale ne sont pas du même registre, donc ne sont pas opposables. L’urgence écologique pose la question de l’habitabilité de notre planète et de la survie de notre espèce, demain. L’urgence sociale pose celle de l’égalité, aujourd’hui. L’équilibre comptable du système de retraite est plus sensible à l’effondrement.
La diminution de l’âge de départ à la retraite, celle de la durée de travail hebdomadaire, l’augmentation du nombre de jours de congés ne sont que la conséquence des gains de productivité. Une heure de travail produit plus de richesse aujourd’hui qu’hier, et pour un écologiste il est logique de préférer réduire le temps de travail plutôt que d’augmenter la richesse produite.
Les dernières réformes du système de retraite ne visent jamais l’équilibre comptable, mais la spoliation des classes populaires, l’accroissement des inégalités. Pour les écologistes, il faut avoir une approche qualitative de la richesse produite et assurer une répartition équitable entre actifs et inactifs en tenant compte de tous les revenus, notamment financiers, et des temps d’études.
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