Retraites : trois paroles de femmes
Annie, Charlotte et Tiziri nous donnent leur vision des retraites et leur avis sur la réforme annoncée.
dans l’hebdo N° 1739 Acheter ce numéro
Annie, 77 ans, militante associative
« Je suis partie à la retraite à 55 ans, en 2001. J’étais institutrice et c’était l’âge légal de départ pour mon métier à l’époque. Il fallait avoir cotisé 37 ans et demi pour en bénéficier à taux plein. Je n’avais pas encore atteint cette durée de travail, mais je sortais d’un cancer du sein agressif et j’avais envie de prendre du temps pour moi.
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Réforme des retraites : le bras de fer commence Retraites : la bataille qui peut sauver la gauche Retraites : les Français·es prêts·es pour la bataille ! « Rien n’oblige à changer l’âge de la retraite »Aujourd’hui, j’ai 77 ans. Cela fait donc vingt-deux ans que je profite de ma retraite. Pendant tout ce temps, j’ai pu voyager et visiter des endroits dans lesquels je n’étais jamais allée. J’ai aussi tenu à donner de mon temps pour m’investir dans l’association de ma commune, dans le Rhône, qui aide les investissements publics à Koupéla, une petite ville du Burkina Faso.
Enfin, je me suis occupé de mes trois petits-enfants. L’aîné avait 2 ans quand je suis partie à la retraite. Il en a 24 aujourd’hui : autant dire que j’ai bien pu les voir grandir. Quand j’entends désormais que l’âge risque d’être reculé à 65 ans, j’estime avoir été une privilégiée. Avoir le temps de profiter de sa retraite, c’est vraiment chouette. Et c’est pour cela que je suis opposée à la réforme annoncée. »
Charlotte, 21 ans, en master d’économie à Angers, engagée depuis trois ans à Youth for Climate
« La retraite, ça paraît loin. On est à un âge où on essaye de se projeter dans un métier, dans une future carrière. Et face à ça, on a le rapport du Giec qui nous montre un avenir avec des températures de plus en plus élevées, où le niveau de la mer monte… Si on fait rapidement le calcul, avec cette réforme, je serai à la retraite en 2067.
Quand on regarde les prévisions de ce à quoi devrait ressembler le monde en 2067, c’est déprimant. Allonger la durée de travail, c’est un choix économique ultralibéral et cette logique n’est plus soutenable aujourd’hui. Bien sûr, on vit globalement plus longtemps, mais est-ce vraiment une raison pour travailler plus longtemps ? Pour moi, il faudrait diminuer le temps de travail pour avoir le temps de faire des choses par soi-même et pour soi-même.
Il faudrait aussi moins de compétition. Toute notre vie, depuis l’école, nous sommes mis en concurrence. Derrière cette compétition, on retrouve encore la logique libérale de toujours tirer les prix vers le bas, pour trouver la main-d’œuvre la moins chère. »
Tiziri Kandi syndicaliste, CNT-Solidarité ouvrière
« Les inégalités de genre structurent le marché du travail. En France, les écarts de salaire entre les hommes et les femmes à travail égal sont toujours d’actualité.
Les femmes occupent souvent les emplois les moins qualifiés et les moins rémunérés. Elles sont ainsi assignées aux temps partiels imposés et aux CDD, et doivent souvent cumuler plusieurs temps partiels sur une large amplitude horaire pour survivre.
Caissières, aides à domicile, accompagnantes des élèves en situation de handicap (AESH), infirmières, femmes de ménage et femmes de chambre, elles occupent majoritairement des métiers essentiels, invisibles et peu valorisés. Dans le secteur de l’hôtellerie, dans lequel j’interviens principalement, la précarité et l’exploitation sont à tous les étages. Le ménage y est souvent sous-traité, ce qui expose les femmes de chambre aux pires maltraitances.
Elles dénoncent régulièrement une pratique illicite mais chérie par les employeurs : la minoration de leurs cotisations de Sécurité sociale, chômage et retraite, qui réduit ainsi le montant des pensions et des indemnisations des employé·es. La réforme des retraites annoncée va avoir un impact plus grave et plus lourd sur les femmes. En 2017, Macron avait déjà supprimé quatre facteurs de pénibilité qui concernent particulièrement les métiers féminins. Autant dire que la cause des femmes travailleuses et qui souffrent tous les jours sera une fois de plus jetée aux oubliettes ! »
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