« Sempre Susan » de Sigrid Nunez : Susan Sontag encore bien vivante
Un portrait sensible et intime de l’une des plus grandes intellectuelles américaines au moment de la création de son livre le plus important.
dans l’hebdo N° 1739 Acheter ce numéro
Sempre Susan. Souvenirs sur Sontag / Sigrid Nunez / Traduit de l’anglais (États-Unis) par Ariane Bataille / Globe, 160 pages, 16,50 euros.
Elle est parfois odieuse avec les serveurs des restaurants, elle ne supporte pas qu’on soit en retard à ses rendez-vous, elle s’immisce souvent dans la vie de son fils. Mais Susan Sontag, c’est aussi une intellectuelle qui fait preuve d’une grande exigence dans son travail, une femme à la pensée libre – elle affirme qu’il y a « toujours intérêt à commencer par transgresser les règles » – et à la résistance exceptionnelle face à la maladie – elle refuse d’avoir honte et « remonte son tee-shirt pour exhiber sa cicatrice » après avoir subi une mastectomie.
La romancière américaine Sigrid Nunez, autrice de L’Ami (Stock, 2019), brosse un portrait juste et sensible de l’une des plus grandes intellectuelles contemporaines dans un récit jonché de très nombreuses anecdotes.
En 1976, Sigrid Nunez a 25 ans lorsque Susan Sontag l’embauche pour l’aider à répondre à son courrier qui s’était accumulé au 340 Riverside Drive, au cœur de Manhattan. L’autrice des essais Notes on « Camp » et Sur la photographie est en convalescence.
Monstre de vitalité intellectuelle
Elle dicte donc ses réponses et la jeune assistante tape ses mots toute la journée sur une grosse machine à écrire IBM Selectric, dans la chambre de « Susan ». Nunez se souvient de son quotidien avec Sontag et la peint comme un monstre de vitalité intellectuelle : elle croyait « dur comme fer que le cerveau avait besoin de carburer à plein régime plusieurs heures avant de commencer à produire les meilleures idées ».
Ce livre raconte aussi le moment charnière de la naissance d’un essai majeur. Après avoir été atteinte d’un cancer, Susan Sontag travaille sur cette question. Elle voit la transformation de son corps. Elle ne supporte pas l’attitude des autres vis-à-vis de sa maladie.
Le livre sur lequel elle travaille n’existe pas encore : elle ne fait que rassembler des idées sur ce sujet et ne sait pas qu’il s’intitulera La Maladie comme métaphore, cet essai contestant les discours qui diabolisent les maladies et culpabilisent ceux qui en sont atteints.
Il sera l’un des livres les plus importants de son travail. Sempre Susan est une immersion passionnante au cœur de la pensée et des mots de Sontag, qui, même si elle aurait préféré être une meilleure romancière, a marqué le siècle dernier par sa voix singulière.