BHL, en toutes complaisances
Une bonne partie de la presse – celle de Bolloré en tête – ne ménage pas ses dithyrambes sur le nouveau film de Bernard-Henri Lévy, Slava Ukraini. Oubliant au passage ses innombrables tartuferies.
dans l’hebdo N° 1746 Acheter ce numéro
Six mois après le précédent – Pourquoi l’Ukraine ?, qui fut diffusé au mois de juin dernier sur Arte (1) –, Bernard-Henri Lévy, better known as BHL, consacre un nouveau film documentaire à l’Ukraine attaquée par la Russie : Slava Ukraini.
Dont le conseil de surveillance, chargé de « délibérer avant la mise en œuvre des décisions relatives aux grandes orientations stratégiques et économiques » de cette chaîne publique et de « contrôler » sa « gestion », est présidé – le monde est vraiment petit – par un certain Bernard-Henri Lévy.
Et de nouveau (et comme toujours en de tels cas), des journalistes (et autres animateurs et animatrices) d’accompagnement se rangent en files serrées pour lui faire une haie d’honneur : tous l’acclament, de France 2 – où il a pu redire, samedi soir 18 février, qu’il voyait en Volodymyr Zelensky un nouveau « Reagan » (2) – au Midi libre en passant par L’Express et Le Figaro. Et de nouveau les publications du groupe Bolloré s’illustrent, dans ce concert de louanges, par des soli spécialement flagorneurs.
Dans son esprit, manifestement oublieux des immondices dont le reaganisme a été le complice actif en Amérique centrale (notamment), il s’agit, manifestement, d’un irréfragable gage d’honorabilité.
Le 18 février, c’est l’hebdomadaire Paris Match qui a ovationné le nouveau « long-métrage » du « reporter-philosophe » (3) qui, soutient l’autrice de cet ahurissant panégyrique, « surgit partout où Goliath menace David » – nous reviendrons sur cette très excentrique assertion.
Ne ris pas, s’il te plaît.
Le lendemain, 19 février, dans Le Journal du dimanche (qui appartient donc lui aussi à Bolloré), c’est l’écrivaine Christine Angot qui, après avoir été gratifiée d’une projection de « presse » organisée pour elle « seule » et suivie d’une rencontre avec le réalisateur, s’est fendue d’un dithyrambe où elle narre notamment que BHL, « Ukrainien universel », souffre d’être, nonobstant qu’il se caractérise (dixit Angot) par « la non-complaisance envers les violents » et « les brutes épaisses ou raffinées », mal aimé par « les gens » – qui lui font grief, soutient-il, d’être un « nanti ».
Si nous contenons notre affection pour BHL, c’est parce que nous savons son choix qu’il fait, plutôt que de défendre partout David de ménager parfois Goliath.
Sauf qu’en vrai : non. En vrai, si nous contenons en effet notre affection pour BHL, c’est parce que nous savons trop ses tartuferies, et le choix qu’il fait, plutôt que de défendre partout David (comme le prétend Paris Match), de ménager parfois Goliath.
Parce que nous nous rappelons que c’est le même personnage qui, en même temps qu’il s’autoportraiture film après film (et se laisse louer par son fan-club) en héros des libertés ukrainiennes, se fait par exemple une gloire de s’« abst(enir) de juger si les bombardements israéliens sur Gaza » qui ont causé la mort de 1 300 civil·es en 2009 « auraient pu être moins intenses », ou qui, onze ans plus tard, se rend le 15 février 2020 à Riyad non pour dénoncer les abominables tueries de civil·es que l’alliance militaire menée par l’Arabie saoudite perpètre au Yémen depuis 2015, mais pour évoquer plutôt « le principe d’une possible alliance » avec le régime saoudien – en toute complaisance, une fois de plus, n’en déplaise à Christine Angot, pour des « violents » et des « brutes ».
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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