Cent jours en Ukraine

Maître italien de la bande dessinée, Igort relate dans cet opus les débuts de la guerre en Ukraine. Entre texte et dessin réaliste, son livre rend hommage aux anonymes pris dans les rouages de l’histoire.

Anaïs Heluin  • 22 février 2023 abonné·es
Cent jours en Ukraine
Le livre, peu chronologique, passe de l’histoire d’une fuite hors d’Ukraine à celle d’une famille continuant de vivre sous les bombes.
© Igort

Cahiers ukrainiens : journal d’une invasion / Un récit-témoignage d’Igort / Futuropolis, 168 p., 24 euros.

Sur une page type cahier d’écolier, deux phrases : «Une guerre n’est jamais qu’une saloperie de guerre. Il n’y a pas d’épopée, pas de gloire, que de la misère. » Elles ouvrent Les Cahiers ukrainiens. Journal d’une invasion, d’Igort, publié chez Futuropolis en ce mois de février 2023, soit un an après l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes.

Elles ferment aussi cet ouvrage réalisé dans l’urgence par l’auteur de bande dessinée italien, dont le véritable prénom – Igor, sans « t » – témoigne de l’amour de ses parents pour «la culture russe, la littérature russe, la musique russe». «J’ai grandi en écoutant les histoires des grands écrivains par la voix de ma grand-mère, avant même que j’apprenne à lire…» écrit celui qui a aussi vécu en Ukraine, où il a rencontré son épouse.

Tout soupçon d’une publication opportuniste tombe ainsi d’emblée. Avant ces Cahiers-ci, Igort en a d’ailleurs publié deux autres qui témoignent de son intérêt pour l’histoire de l’Ukraine et de la Russie, en 2010 et en2012, après quoi il s’est orienté vers le Japon, en mêlant toujours de la même manière un dessin réaliste à des textes au ton presque journalistique, à la subjectivité assumée.

Entre les deux occurrences des deux phrases citées plus tôt, Igort raconte les cent premiers jours de la guerre en Ukraine de son point de vue d’observateur extérieur.

Tranches de vie

Au début de l’album, où de très expressives pleines pages de portraits ou de paysages viennent souvent prolonger le récit illustré, le titre « Chroniques par téléphone » nous informe sur la méthode de travail de l’auteur : « Le téléphone ne cesse de sonner ces jours-ci. Les récits que vous allez lire sont des témoignages de femmes et d’hommes assiégés. »

Malgré l’éphéméride qui fait régulièrement son apparition sur les planches, indiquant le nombre de jours passés depuis les débuts de l’invasion, le livre d’Igort est peu chrono­logique. Sans transition, comme au rythme des informations lacunaires qui lui parviennent, il passe de l’histoire d’une fuite hors d’Ukraine à celle d’une famille continuant de vivre sous les bombes, ou encore à celle d’un jeune soldat russe éliminé en 2014 par l’armée de Poutine pour avoir voulu fuir ce qu’il a vite compris être une guerre.

Malgré la douleur qui les traverse, toutes ces tranches de vie sont aussi portées vers l’espoir d’une réconciliation.

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Culture
Temps de lecture : 2 minutes