Contre la réforme des retraites, l’envie de monter en puissance
Ce mardi 7 février marquait le troisième jour de mobilisation contre la réforme des retraites. À Paris, la CGT a dénombré 400 000 manifestants, moins que le 31 janvier. Dans les cortèges, la question de durcir le mouvement se pose. Retours de terrain, glanés par la rédaction de Politis.
Avant le départ du cortège parisien à 14 heures ce mardi 7 février, en cette 3e journée de grève et de manifestation de l’intersyndicale contre la réforme des retraites, l’intervention du secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, donne le ton : « Si les mobilisations de rue ne suffisent pas, ce qui semble être le cas, les mouvements vont se durcir. On proposera aux salariés plus de journées de grèves et des grèves reconductibles. »
Une position pas tout à fait partagée par son homologue de la CFDT, Laurent Berger, moins à l’aise avec l’idée d’une grève reconductible : « Nous verrons dans les semaines à venir, rien n’est exclu. Mais notre volonté n’est pas de bloquer ou de durcir, elle est d’exprimer démocratiquement le rejet de la retraite à 64 ans. »
En fin de journée, la CGT a estimé à « près de deux millions » le nombre de manifestants dans les quelque 200 cortèges annoncés. La manifestation parisienne a réuni 400 000 personnes selon la centrale de Montreuil, soit autant que le 19 janvier, mais dans de nombreuses villes de province, les cortèges étaient moins fournis selon les chiffres des organisateurs et des autorités. Au niveau national, ces dernières évoquent officiellement 757 000 personnes ayant battu le pavé.
Dans le cortège parisien, alors que la CGT annonce une mobilisation légèrement inférieure à celle du 31 janvier, la question de l’avenir du mouvement est aussi sur toutes les lèvres.
Émile, doctorant en anthropologie à l’EHESS, manifeste depuis la première grande journée de mobilisation du 19 janvier. Il se réjouit que « des personnes qui ne sont pas habituées à manifester rejoignent le mouvement et se politisent », mais, pessimiste, ajoute : « J’aimerais croire que manifester tranquillement suffira, mais je pense qu’on devra passer par des prises de risques, de la désobéissance civile ou d’autres formes d’actions plus violentes. »
J’aimerais croire que manifester tranquillement suffira, mais je pense qu’on devra passer par des prises de risques.
« Ce qui va marcher, c’est une grève reconductible »
Marie et Vincent, respectivement professeurs d’anglais et de sciences économiques et sociales, sont envahis par les mêmes doutes : « Si rien ne bouge au bout de dix marches, on pourrait comprendre que les choses prennent une autre tournure. Mais la question du durcissement, voire de la désobéissance civile, peut diviser. On espère ne pas avoir besoin d’en arriver là. »
Au niveau local, d’autres mobilisations se préparent déjà pour la semaine prochaine. Jeanne, professeure, participe à l’organisation d’une marche aux flambeaux jeudi 16 février. Son collectif essaye de rassembler les professeurs d’Alfortville et de Maison-Alfort. « Il y a du monde encore aujourd’hui, les professeurs se mobilisent ! » s’enthousiasme la trentenaire avant de partir rejoindre ses collègues éparpillés à l’avant et à l’arrière du long cortège de la CFDT.
Louise, 28 ans, a confectionné une pancarte un peu particulière. Une longue règle jaune lui sert de base, le carton scotché indique la célèbre punchline du rappeur Médine : « Ils reculent l’âge de la retraite et avancent l’âge de la mort. » Elle aussi participe à un événement la semaine prochaine : un carnaval pour défendre les retraites.
Lundi 13 février à 18h, le cortège passera devant les écoles du quartier populaire de la Goutte d’Or jusqu’à la mairie du 18e, avant la tenue d’une réunion publique avec la présence de Danièle Obono et d’Aymeric Caron. Pour elle, le durcissement des mobilisations est nécessaire : « On en a marre des grèves “saute-mouton”, ce qui va marcher c’est une grève reconductible et bloquer le pays ! »
« Samedi, j’espère qu’il y aura encore plus de monde »
Pour cette troisième journée de mobilisation, Thomas, intermittent du spectacle, n’est gréviste que pour l’après-midi. « J’avais pris ma journée pour les deux premières manifs et ça risque de peser sur mes allocations chômage. Mon niveau d’allocations est calculé au mois, donc trois journées en moins en quelques semaines, ça coince un peu », explique celui qui termine bientôt son contrat dans une salle de concert à Argenteuil.
La quatrième et prochaine manifestation, prévue le samedi 11 février, pourrait ainsi rassembler davantage de monde.
C’est en tout cas ce que souhaite Habib, 57 ans, licencié de chez Nokia il y a trois ans et reconverti comme indépendant dans le coaching : « Depuis que je suis indépendant, je cotise à Pôle emploi et donc j’ai des cotisations assez faibles. J’ai peur du montant total de ma pension de retraite. Évidemment je serai-là samedi, j’espère qu’il y aura encore plus de monde ! »
Du côté des enseignants, le rendez-vous est pris pour de plus grandes mobilisations à partir du 6 mars, qui marquera la fin des vacances d’hiver pour toutes les zones. Benoît Teste, secrétaire général de la FSU, prévoit une « montée en puissance » des manifestations à cette date : « À partir du 6 mars, on aura la possibilité de remettre un coup d’accélérateur. Ce sera le sprint final ! »
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