« On veut faire accepter n’importe quel emploi à n’importe quel salaire »
Philippe Villechalane, porte-parole de l’Apeis, réclame une véritable politique de l’emploi vertueuse.
dans l’hebdo N° 1745 Acheter ce numéro
La déconnexion de ceux qui nous gouvernent avec la vie quotidienne des Français·es est de plus en plus palpable. Parmi ceux qui ne sont ni reçus ni écoutés, les précaires et les chômeurs, alors que plusieurs lois successives viennent de profondément transformer leur statut. Politis a ouvert ses colonnes à l’Association pour l’emploi, l’information et la solidarité (Apeis).
À l’Apeis, nous venons de recevoir un chômeur ayant cru, après les effets d’annonce dont Emmanuel Macron et ses amis sont coutumiers, qu’en démissionnant il serait indemnisé. Son père, gravement malade, devait sortir de l’hôpital et son état de santé requérait une prise en charge, d’où cette démission.
Mais non, ça ne fonctionne pas ainsi : les chômeurs indemnisés à la suite d’une démission sont quasi inexistants. Cet homme se retrouve donc sans aucun revenu, et les réponses que nous fait Pôle emploi quand nous défendons des cas similaires sont pour le moins lapidaires : « C’est comme ça, c’est la loi, le règlement… »
Il a bon dos, le règlement. « Trop-perçus » injustement réclamés par Pôle emploi (ou autre organisme), demandes de formation qui n’aboutissent pas. Les « cas particuliers » qui sollicitent le soutien de notre association dévoilent de fait une vaste réalité : la casse de tous nos conquis sociaux se poursuit et s’accélère.
Les réformes successives de l’assurance-chômage ont privé de leurs droits des millions de personnes. Avec un seul objectif : faire accepter n’importe quel emploi à n’importe quel salaire et dans n’importe quelles conditions.
Le gouvernement n’a de cesse de réduire le montant des indemnisations et d’en exclure des centaines de milliers de personnes en durcissant les conditions d’accès et les contrôles. À ce jour, seulement 40 % des chômeurs sont indemnisés. Trop souvent en dessous du seuil de pauvreté. La Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) vient d’ailleurs d’annoncer que le nombre de chômeurs indemnisés a baissé de 16,3 % sur un an.
Nous les connaissons, les réelles « mesures incitatives au retour à l’emploi »… Déjà, il faudrait qu’il y en ait, des emplois.
Pourtant, nous les connaissons, les réelles « mesures incitatives au retour à l’emploi »… Déjà, il faudrait qu’il y en ait, des emplois. Sur les 3,1 millions d’offres déposées en 2021 à Pôle emploi, seules 400 000 n’ont pas été pourvues, principalement en raison d’un manque de main-d’œuvre formée et de conditions de travail inacceptables. Il faudrait que soient développées de véritables formations qualifiantes adaptées aux besoins réels des personnes, et plus seulement aux carnets de commandes des entreprises.
Concernant le financement de l’assurance-chômage, une véritable égalité des salaires femmes-hommes engendrerait davantage de cotisations, tout comme la transformation de la CSG en cotisation sociale, la suppression des exonérations de cotisations patronales, la mise en place d’une surcotisation dissuasive pour les employeurs ayant recours aux contrats courts et/ou précaires… Enfin, il faudrait que les cotisations sociales ne soient plus basées sur la seule masse salariale des entreprises, mais également sur leurs profits et transactions financières !
À l’effet vertueux de ces mesures doivent bien évidemment s’ajouter une nouvelle réduction du temps de travail et une retraite à 60 ans à taux plein, ce qui libérerait des emplois pour les plus jeunes (qui, à leur tour, cotiseraient). Nous réclamons également des moyens pour Pôle emploi et ses agents. Qu’ils puissent réellement accompagner les chômeurs au lieu de voir leur mission de service public réduite à des contrôles entraînant moult radiations.
Le gouvernement fait un choix de société. Nous lui opposons un autre choix : nous décidons ensemble, dans la solidarité, qu’il est possible de faire reculer le sentiment de fatalité. Qu’il est possible et vital de faire reculer ce gouvernement à la solde des nantis. Car si nous les laissons agir aujourd’hui, ils réclameront demain ou après-demain le retour du travail des enfants, au seul motif que cela se fait ailleurs dans le monde…
La carte blanche est un espace de libre expression donné par Politis à des personnes peu connues du grand public mais qui œuvrent au quotidien à une transformation positive de la société. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.