Transidentité : des médias approximatifs, voire hostiles
L’association des journalistes LGBTI, l’AJL, publié une étude sur le traitement médiatique des transidentités. Elle montre que la moitié des articles en ont un traitement approximatif, erroné voire irrespectueux. Un article sur quatre se révèlerait même antitrans.
Face à l’augmentation des paroles transphobes dans les médias, l’association des journalistes LGBTI, l’AJL, a mené l’enquête. De fin août à fin novembre 2022, l’association a analysé quelque 21 sites de la presse nationale, soit l’équivalent de 434 articles en ligne. Si l’AJL note des progrès notables, l’association fait aussi émerger de grandes fragilités éditoriales.
Premier constat : les deadnames [le prénom assigné à la naissance mais abandonné par la personne suite à sa transition] sont moins employés et les personnes trans sont davantage interviewées sur des sujets qui dépassent la seule question de la transidentité. Une première avancée qui dissimule pourtant une autre réalité.
De nombreux médias privilégient ainsi l’évocation des transidentités quand elles sont à l’étranger.
D’abord, les sujets de transidentités sont principalement traités quand ils n’impliquent pas directement les Français. L’étude le confirme : « De nombreux médias privilégient ainsi l’évocation des transidentités quand elles sont à l’étranger ». Les formats privilégiés sont les tribunes ou des adaptations de dépêches AFP, au détriment de reportages et d’enquêtes approfondies.
L’étude est d’ailleurs catégorique : « S’il est toujours bon que les médias français s’emparent des discriminations à l’étranger, on remarque qu’il est souvent plus facile de les observer et d’analyser les lois transphobes, et LGBTQIphobes au sens large, quand elles s’exercent dans un pays étranger que dans son propre pays. ».
Ensuite, c’est précisément en France que le bât blesse. Lorsque le sujet de la transidentité est évoqué, le lecteur doit composer avec des fautes de langage, voire des erreurs d’appréciation. Le terme « transexuel » est même préféré à celui de « transgenre », alors que « rejeté par beaucoup de personnes trans pour sa connotation médicale et pathologisante », comme l’explique le kit à l ‘usage des rédactions mis en place par l’association.
L’AJL souligne l’influence de l’AFP et salue un bon traitement des questions de transidentité. Pour autant, lorsque les brèves ne sont pas reprises, « seulement 49 % des articles sont de bonne qualité, et 31,5 % ont publié de grosses erreurs ».
Instrumentalisation et invisibilisation
Pire : l’AJL affirme que certains médias traitent des questions de transidentité pour les instrumentaliser au service d’un projet conservateur. Il s’agit pour l’association de « nier l’humanité et les droits [des personnes trans] au service d’une stratégie éditoriale réactionnaire. »
Un choix éditorial qui s’ajoute à l’invisibilisation des personnes concernées. L’étude montre en effet que sur 98 articles qui ont pour sujet principal les transidentités, seulement 36 donnent la parole à des personnes trans. Et alors que sur l’ensemble des articles, 20,9 % interviewent au moins une personne trans, 34,7% font référence à au moins une personne employant une rhétorique antitrans.
De plus en plus présente dans le débat public, la question de la transidentité s’impose tantôt comme un sujet de controverse, voire d’hostilité, tantôt comme une conquête émancipatrice.
Reste que les approximations subsistent de chaque côté, jusqu’à alimenter la transphobie : « En 2021, la transphobie a été le seul type de LGBTIphobie pour lequel SOS homophobie a relevé plus de témoignages comparé à 2020 », rappelle l’AJL dans son rapport, qui invite la profession à plus de sérieux journalistique.
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