Ubérisation : le Parlement européen vote la présomption de salariat
C’est une victoire de haute importance pour les livreurs à vélo et chauffeurs VTC, alors que les négociations sur la directive des travailleurs des plateformes ne font que commencer.
Ce sont pas moins de 4 millions de travailleurs de plateformes qui pourraient être concernés. Ce jeudi matin, le Parlement européen signe une avancée sociale majeure pour les livreurs à vélo et autres chauffeurs VTC. Désormais, la position de l’instance à Bruxelles est claire : la présomption de salariat doit s’appliquer sans critères préalables pour celles et ceux qui triment pour Uber, Deliveroo, etc.
Le statut de « travailleurs indépendants » – dont l’autonomie et le self made man n’ont de cesse d’être vantés par les plateformes – ne reflète pas toujours, dans les faits, la réalité. Ces mêmes travailleurs sont sous le contrôle d’une entreprise qui, via son algorithme, fixe les prix des courses, détermine des horaires préférentiels et organise les conditions de travail au quotidien. Il y a donc, très souvent, un lien de subordination, comme l’a montré dernièrement l’avis de la Cour de cassation, que nous avions révélé.
Ces plateformes ne sont donc pas simplement des « intermédiaires » qui mettent en relation entre un auto-entrepreneur et le client. De « faux indépendants », donc, mais de vraies pertes en termes de droit sociaux par rapport à un emploi salarié.
C’est là où le Parlement européen intervient. Après 4 ans de négociations acharnées entre les lobbys des plateformes et les travailleurs, bien représentés par des eurodéputés motivés, comme Leïla Chaïbi, les livreurs et chauffeurs VTC pourraient bien être considérés comme des salariés présumés. Mais la procédure législative sur cette directive est loin d’être terminée.
Contactée, l’eurodéputée insoumise Leila Chaïbi, très active sur ce dossier, exprime son enthousiasme : « C’est vraiment positif pour ces travailleurs ubérisés. Le fait que le Parlement se positionne sur une présomption de salariat est une excellente nouvelle pour la suite », explique-t-elle, alors que les discussions entre le Parlement européen, le Conseil de l’UE et la Commission débuteront au début de l’été, pour déboucher sur une directive à transposer dans les pays membres sous les deux ans qui suivent.
Emmanuel Macron, allié sûr des plateformes
Au tour du Conseil de l’UE, désormais, de fixer sa position par rapport à la proposition de directive. Les discussions auront lieu au mois de mars. Composé des chefs d’État et de gouvernement des États membres, le Conseil de l’UE pourrait donner un avis plus proche des desiderata des plateformes.
Elles pourront notamment compter sur l’action volontariste d’Emmanuel Macron en faveur de leurs intérêts, comme l’ont révélé les UberFiles. Pour Leila Chaïbi, le vote du Parlement porte ainsi un véritable « camouflet » au chef de l’État, chantre de la start-up Nation.
Tandis que la Commission européenne, dans sa proposition de directive publiée en décembre 2021, proposait la mise en place de deux critères à respecter pour que le travailleur indépendant soit reconnu comme salarié, la position du Conseil de l’UE tendrait plutôt vers trois, voire quatre critères, selon nos informations. Le Parlement, lui, a donc statué sur une présomption de salariat, c’est-à-dire une absence de critères a priori à respecter du côté du travailleur. À charge des plateformes de prouver que le travailleur est bien indépendant.
Si les négociations ne font que commencer, les chauffeurs VTC ont déjà affiché leur émotion, à l’instar de Brahim Ben Ali, porte-parole de l’intersyndicale des VTC :
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