Une économie sous les bombes
Le journaliste ukrainien Iurii Mykhailov dresse l’effrayant bilan économique et écologique de l’invasion russe de son pays.
dans l’hebdo N° 1746 Acheter ce numéro
Des dizaines de milliers de civils ukrainiens ont perdu la vie, dont des milliers d’enfants. Des millions de personnes sont devenues réfugiées, forcées de se déplacer vers des endroits plus sûrs. Environ 5 millions d’Ukrainiens ont fui à l’étranger.
De nombreuses zones résidentielles du pays ont été détruites ou gravement endommagées, tout comme de multiples infrastructures civiles : hôpitaux, routes, ponts, lignes et transformateurs électriques, barrages, équipements hydrauliques et d’irrigation, etc. Des dizaines de villes et de villages ukrainiens ont cessé d’exister.
Depuis le 10 octobre 2022, les Russes ont mené des attaques constantes et massives contre des infrastructures civiles essentielles. Ils ont lancé plus de 6 000 missiles et drones sur les villes, ciblant en premier lieu les installations électriques, dont 60 % des équipements les plus sensibles pour le pays ont été endommagés.
Les pannes de courant affectent toute l’économie, en particulier l’agriculture et toute la chaîne de l’industrie alimentaire – production, transformation, stockage, cafés et restaurants, épiceries, rayons de produits frais ou surgelés. Pour pallier ces coupures, les entreprises ont dû acheter des groupes électrogènes fonctionnant au diesel et à l’essence.
Certaines forêts ont été rayées de la carte. Les dommages causés à l’environnement sont estimés à plus de 37 milliards d’euros.
Les revenus de la population ont diminué en raison de la fermeture de nombreuses entreprises, et le PIB de l’Ukraine a perdu environ un tiers de sa valeur depuis l’invasion russe. La Banque mondiale estime que la reconstruction du pays coûtera environ 700 milliards d’euros.
Dans les territoires libérés de l’occupation des troupes russes, on a découvert que la plupart des fermes et des entreprises avaient été pillées. Environ 400 000 colonies d’abeilles, 95 000 chèvres et moutons, 212 000 bovins, 507 000 porcs et près de 11,7 millions d’oiseaux ont été tués. Plus de 14 300 hectares de plantations pérennes ont été détruits. Les pertes de l’agro-industrie ukrainienne sont estimées à environ 50 milliards d’euros.
Et c’est aussi toute la nature qui est affectée. Un tiers des forêts d’État a déjà été touché (3 millions d’hectares). Certaines ont été rayées de la carte. Les dommages causés à l’environnement sont estimés à plus de 37 milliards d’euros. Selon le WWF, déjà 20 % des zones de conservation de la nature souffrent de la guerre.
Les incendies de forêt et d’installations industrielles, la combustion de produits pétroliers, etc. ont émis plus de 67 millions de tonnes de substances dangereuses dans l’air depuis le début de la guerre. En 2020 et 2021, le volume de ces pollutions ne représentait que 2,2 millions de tonnes par an.
Et depuis la première invasion russe, en 2014, 18 millions d’hectares, soit 30 % de l’ensemble du territoire ukrainien, ont été affectés par la pose de mines. Une partie des terres agricoles, en particulier, est contaminée par des munitions artisanales, des obus à fragmentation, des mines antipersonnel et des mines antichars. Il faudra une dizaine d’années pour s’en débarrasser complètement.
Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don