49.3 : le bras d’honneur de Macron
Le centième 49.3 de la Ve République – le 11e du gouvernement Borne –, est déclenché pour un passage en force de la réforme des retraites. Un triste aveu d’échec de la part d’un président et de son gouvernement. Un naufrage politique et démocratique.
Tout ça pour ça ! Après s’être couché devant la droite ; après avoir usé et abusé de tous les recours prévus par la Constitution (articles 47.1 et 44.3) et le règlement du Sénat (article 8) pour accélérer la procédure parlementaire et empêcher le débat sur la réforme des retraites de se tenir dans de bonnes conditions, Emmanuel Macron a tranché : ça sera le 49.3.
Le 100e 49.3 de la Ve République. Le 11e du gouvernement Borne. Un triste aveu d’échec de la part d’un gouvernement qui ne dispose donc d’aucune majorité pour faire adopter un texte, la (contre) réforme des retraites, rejeté par une écrasante majorité de Français. Un gouvernement qui a pourtant tout donné pour obtenir les suffrages des Républicains (LR).
Au final, Éric Ciotti n’aura pas tenu ses troupes puisque tout reposait sur les députés de droite qui devaient offrir une victoire politique à Macron. C’est donc aussi un échec personnel pour le patron des Républicains. L’échec est politique. Il est aussi démocratique.
Comment sur une réforme aussi structurante, le président de la République peut-il assumer un tel passage en force ?
Comment sur une réforme aussi structurante pour la vie des Français à qui l’on impose deux ans de travail supplémentaires, face à une opposition aussi massive – grâce notamment à une unité syndicale inédite depuis 13 ans –, le président de la République peut-il assumer un tel passage en force ? Un bras d’honneur à la démocratie.
Les conséquences vont être nombreuses. D’abord sur le mouvement social qui, après un léger tassement, pourrait reprendre de la vigueur alors que la pénibilité des conditions de travail s’affiche au grand jour avec la grève des éboueurs. L’unité syndicale qu’on annonçait sur la fin devrait sortir renforcée de cette séquence.
Laurent Berger, le patron de la CFDT, avait prévenu : « le recours au 49-3 aussi légal soit-il serait un vice démocratique ». À peine ce dernier déclenché, le leader syndical a ainis annoncé que de « nouvelles mobilisations » auront lieu. Les annonces de l’intersyndicale prévues ce soir ou demain seront observées avec attention, face à une colère populaire toujours plus grandissante.
Conséquences politiques aussi. En recourant au 49-3, la cheffe du gouvernement, Élisabeth Borne, engage sa responsabilité et assume dans le même temps son échec, elle qui ne cessait d’expliquer depuis plusieurs jours ne pas envisager de recourir à l’article tant controversé qui permet au gouvernement d’adopter un texte sans passer par un vote des députés.
Plusieurs scénarios
Plusieurs options se dessinent à présent. La gauche a d’ores et déjà annoncé saisir le Conseil constitutionnel et enclencher la procédure du référendum d’initiative partagée pour contraindre le gouvernement à une consultation des Français.
Une autre option est également sur la table. Le groupe LIOT (centristes), emmenés par le député Charles de Courson, pourrait déposer une motion de censure interpartisane avec une partie de la gauche et de la droite pour faire tomber le gouvernement. Si la motion a des chances d’aboutir, elle doit néanmoins réunir les voix de la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale, soit 287 voix. Les chances d’aboutir restent minces.
La motion sera débattue dès lundi. Mais la détermination du très calme Charles de Courson pourrait porter ses fruits : « Ça se paiera très cher », a-t-il promis dès après l’annonce du 49.3 par la Première ministre. Éric Ciotti a déjà annoncé que son groupe, pourtant humilié par la Première ministre, ne votera aucune motion.
L’échec de la majorité présidentielle est tel qu’une dernière option pourrait être envisagée par la voie même de l’hôte de l’Élysée. Une allocution du président pourrait intervenir dans les prochaines heures pour rappeler aux Français tout l’enjeu de cette réforme « nécessaire » selon lui, et dans le même temps assurer avoir entendu la colère des Français, s’en remettant à des élections législatives anticipées. Ainsi pourrait-il soumettre sa défaite au vote. Pour l’heure, c’est Elisabeth Borne – celle qui assume n’être qu’un fusible – qui est attendue dans un 20 h, ce soir.
La gauche saura-t-elle porter les colères qui se sont largement exprimées au cours de ces dernières semaines ?
La réforme ne serait pas remise en cause mais Emmanuel Macron offrirait ainsi aux oppositions et à sa propre majorité – à qui il ferait porter la responsabilité de cet échec politique – l’opportunité d’une nouvelle séquence politique. Une séquence à double tranchant. L’extrême droite est prête. Elle n’attend que ça. Et la gauche ? Saura-t-elle porter les colères qui se sont largement exprimées au cours de ces dernières semaines ? Rien n’est moins sûr. Aujourd’hui, c’est le quinquennat de Macron qui se joue.
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