Coups de poing et matraques : une compagnie parisienne en roue libre

Lundi 20 mars, lors des manifestations spontanées dans tout Paris, un policier a frappé violemment un homme, qui a fini inconscient au sol. La compagnie dont fait partie cet agent, la 12CI, est à l’origine de nombreuses violences depuis plusieurs mois.

Maxime Sirvins  • 22 mars 2023
Partager :
Coups de poing et matraques : une compagnie parisienne en roue libre
La 12CI en pleine charge dans une manifestation spontanée, le lundi 20 mars 2023 à Paris.
© Maxime Sirvins

Mise à jour le 22 mars 2023

D’après nos informations, l’agent ayant donné un violent coup de poing n’en est pas à sa première fois. On apprend ainsi que dans la manifestation du 1er mai 2021, il avait volontairement visé des observateurs de la Ligue de droits de l’homme (LDH). Sur les images, on voit clairement, lors d’un bond offensif, un policier s’avancer et jeter au sol un observateur, clairement identifiable avec un casque et une chasuble blanche floquée du logo de la ligue. Depuis cette date, un dossier est en cours d’instruction chez le Défenseur des Droits.


Première publication le 21 mars 2023

« Barre toi ! Casse toi ! » Lundi 20 mars soir, à proximité de Bastille, après que des manifestations sauvages ont fait trembler la capitale, un policier lance ces mots à un homme, avant de le frapper très violemment d’un coup de poing à la tête. La vidéo de la scène, filmée par le journaliste Timothée Forget, fait froid dans le dos.

Juste après le coup, l’homme tombe au sol, inconscient. Le policier s’éloigne directement et rejoint ses collègues. Sur d’autres images que Politis a pu consulter, on aperçoit la victime prise en charge par l’unité du policier, puis par des CRS. D’après plusieurs témoignages, l’homme reprend ses esprits après plusieurs minutes et quitte la scène de lui-même.

Face à la violence des images, la députée LFI, Raquel Garrido, a demandé au ministre de l’Intérieur et au préfet de police de Paris « d’arrêter le massacre. » Sur d’autres vidéos consultées par Politis, le policier en question revient tout de même sur la scène pour promulguer les premiers soins.

Dans la foulée, le préfet de police, Laurent Nuñez, a demandé un rapport sur l’incident. Les premiers signalements de témoins à l’IGPN sont arrivés dans la nuit. Le policier, récompensé le 18 mai 2019 de la médaille de la sécurité intérieure, a été rapidement entendu.

Le policier en question, membre de la 12CI – une des 6 compagnies d’interventions de Paris de jour –, était hier soir en BRAV-M. Les brigades de répression de l’action violente motorisée sont les unités motocyclistes anticasseurs inaugurées en mars 2019 par l’ancien préfet de police de Paris, Didier Lallement.

Elles ont pris le relais des détachements d’action rapide (DAR), créés au début du mouvement des gilets jaunes. Lundi soir, les compagnies d’interventions étaient fortement mobilisées particulièrement en BRAV-M. Toute la soirée, installés sur leurs grosses motos, ses membres ont chargé et interpellé plusieurs dizaines de manifestants.

Une autre vidéo de la 12CI en BRAV-M a aussi choqué l’opinion. Aux alentours de Châtelet cette fois, la compagnie charge violemment des « supposés » manifestants. L’un des agents est aperçu en train de frapper des jeunes gens sans raison et sans les interpeller. Dans le seul but de brutaliser, donc.

« Violences largement illégitimes »

Depuis plusieurs mois, cette compagnie est impliquée dans plusieurs cas de violences à coups de charges et de matraques. Reconnaissables par leurs petits dossards verts, les agents de la 12CI font grand bruit au sein même de l’institution et certains agents n’hésitent pas à parler de « dégoût » et de « violences largement illégitimes ».

Le changement de méthode de la 12CI depuis plus d’un an viendrait, pour certains policiers, du nouveau commandement au sein de cette compagnie depuis début 2021. Par exemple, lors de la manifestation du 11 mars, la 12CI (accompagné de la 31CI) charge violemment les manifestants en frappant, parfois à la tête, là aussi, sans aucun objectif d’interpellation.

Ou encore, le 24 avril 2022, quand la 12CI charge violemment des gens sur la place de la République en donnant des coups de pied. Au cours de cette scène, alors qu’un gradé ordonne un « repli », des agents continuent de courir et de frapper sur plusieurs dizaines de mètres.

Sur le même sujet : Du 49.3 à la colère de la Concorde : retour sur 24 heures de feu

Pire, le 18 octobre 2022, lors d’une manifestation interprofessionnelle, le chef de la compagnie charge en tête – plutôt que de l’encadrer – le service d’ordre de la CGT en donnant de grands coups de matraques dans tous les sens. Suivi par ses hommes, on peut voir un des agents de la 12CI essayer carrément de retenir les coups de son chef en lui prenant le bras.

Les journalistes sont aussi la cible de la 12CI, comme le 15 mai 2021 quand un agent de la compagnie tape le téléphone du journaliste Remy Buisine avant de le plaquer contre un mur, ou encore, le 1er mai 2022 la compagnie charge d’une manière chaotique et tape manifestants et journalistes.

Et n’en déplaise à Olivier Dussopt qui a contesté, lors des questions au gouvernement de ce jour, l’utilisation par Fabien Roussel de l’expression « la répression par la matraque », la 12CI montre que c’est bien la stratégie en œuvre au sein des cortèges parisiens.

Tout Politis dans votre boîte email avec nos newsletters !
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Violences intrafamiliales : comment les expertises psy protègent les agresseurs
Justice 19 février 2025 abonné·es

Violences intrafamiliales : comment les expertises psy protègent les agresseurs

Demandés par les juges en matière de violences conjugales, ces documents sont pourtant contestés pour leur absence de méthode scientifique et leurs biais sexistes. Ils pénalisent très souvent la mère et/ou l’enfant, même lorsque des violences sont dénoncées.
Par Hugo Boursier
Une loi pour la sûreté des transports sous le signe du tout-sécuritaire
Surenchère 14 février 2025 abonné·es

Une loi pour la sûreté des transports sous le signe du tout-sécuritaire

Vidéosurveillance algorithmique, tasers, élargissement des pouvoirs des agents… Les surenchères de la droite ont aggravé la proposition de loi sur la sûreté dans les transports, adoptée par les députés. Elle poursuit son chemin législatif.
Par Maxime Sirvins
Christophe Ruggia condamné à deux ans ferme, Adèle Haenel à vivre avec ses traumatismes
Justice 3 février 2025 abonné·es

Christophe Ruggia condamné à deux ans ferme, Adèle Haenel à vivre avec ses traumatismes

Accusé d’agressions sexuelles sur mineure par l’actrice, le réalisateur a été condamné à deux ans de prison ferme aménageables, dont il fait appel. Un délibéré sous surveillance militante et médiatique qui met en lumière les limites de la justice en matière de violences sexuelles.
Par Salomé Dionisi
Relaxe pour deux militants des Soulèvements de la Terre
Justice 17 janvier 2025

Relaxe pour deux militants des Soulèvements de la Terre

Le tribunal judiciaire de Paris a prononcé, ce 17 janvier, la relaxe de Léna Lazare et Basile Dutertre, militants des Soulèvements de la Terre, poursuivis pour avoir refusé de comparaître devant une commission d’enquête parlementaire. Une situation inédite sous la Vᵉ République.
Par Maxime Sirvins