Trois jours de mobilisation contre les mégabassines
À l’appel de Bassines Non Merci, des Soulèvements de la Terre, de la Confédération paysanne et d’autres collectifs et associations, un rassemblement de trois jours a lieu du 24 au 26 mars dans les Deux-Sèvres pour lutter contre les mégabassines. Ce, malgré l’interdiction de la préfecture.
Les premiers « No Bassaran » de la mobilisation contre les mégabassines retentiront dans les Deux-Sèvres, au moment de la clôture de la Conférence des Nations unies sur l’eau, la première rencontre intergouvernementale sur le sujet organisée depuis 1977. Jusqu’ici, la question de la ressource en eau ne faisait pas vraiment de vagues… Voilà qu’elle devient de plus en plus scrutée, parmi les crises écologiques multiples auxquelles nous faisons face.
En particulier en France, où le collectif Bassines non merci milite depuis 2017 contre l’installation dans le Poitou de mégabassines, d’impressionnantes piscines d’environ 10 hectares ou plus. Destinées à des agriculteurs faisant face à des sécheresses de plus en plus récurrentes, elles sont censées offrir une solution au manque d’eau en été.
Avec une particularité qui les distingue d’autres retenues d’eau : elles ne se contentent pas de récupérer de l’eau de pluie, mais puisent dans les nappes phréatiques en hiver, au moment où celles-ci sont censées être les plus remplies. Un raisonnement qui pourrait paraître presque logique, sans ce gros hic : la sécheresse continue même en cette saison hivernale.
Des centaines de projets
Sur les 18 derniers mois, 15 ont été déficitaires en pluviométrie. En début d’année, la France métropolitaine a battu son record de nombre de jours sans pluie : 32 jours, du jamais vu depuis le début des enregistrements en 1959, selon Météo France. Le mois de février a ainsi été le plus sec jamais enregistré, avec un déficit de précipitation de plus de 50 %. Soit pile à la période où les nappes phréatiques doivent se remplir.
Les dernières données les concernant sont inquiétantes : « 80 % des niveaux [des nappes] sont modérément bas à très bas », a détaillé mi-mars le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Des arguments, en plus d’autres impacts écologiques, qui ont conduit à deux décisions de justice défavorables à l’utilisation de certaines bassines en février.
Pourtant, « pas d’agriculture sans eau », comme le clame dans ses différentes apparitions le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. Mais toutes les solutions ne se valent pas, lui répondent les opposants aux mégabassines. Le gouvernement soutient la construction de ces immenses réserves d’eau, dont une centaine de projets sont à l’étude dans toute la France.
C’est dans l’Ouest, dans les départements des Deux-Sèvres, de la Vienne et de la Charente-Maritime, que l’appétit est le plus dévorant. Un projet de 16 bassines est porté depuis 2018 par la Coopérative de l’eau 79. Et début novembre, la préfecture de la Vienne a validé la création de 30 autres bassines.
Une annonce qui a fait office de goutte d’eau supplémentaire dans un vase débordant déjà. Quatre jours plus tôt, 7 000 personnes s’étaient réunies dans le village de Sainte-Soline pour arrêter le chantier d’une mégabassine de 16 hectares, demandant l’arrêt des travaux et un moratoire sur la création de ces réserves d’eau.
La manifestation d’ampleur, interdite par la préfecture, avait donné lieu à une cinquantaine de blessés côté manifestants, une soixantaine côté forces de l’ordre. Elle avait rendu visible au niveau national la lutte contre les mégabassines, aussitôt taxée « d’écoterrorisme » par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
Sans signe de ralentissement du côté des mégabassines, le collectif Les Soulèvements de la Terre – qui rassemble 150 organisations, syndicats ou collectifs écologistes locaux – a appelé dès le 17 novembre à un nouveau rassemblement d’ampleur ce 25 mars 2023. Depuis, des réunions publiques ont été organisées un peu partout en France pour parler de l’enjeu de la ressource en eau et appeler le plus grand nombre de personnes à venir.
Face-à-face en vue
Le rendez-vous s’est transformé en « mobilisation internationale pour la défense de l’eau » sur trois jours – ces 24, 25 et 26 mars –, avec des moments festifs, des conférences et une manifestation prévue le samedi matin. Le lieu sera communiqué au dernier moment. A priori pour remettre le couvert, soit à Sainte-Soline, soit à Mauzé-sur-le-Mignon, où une autre mobilisation avait eu lieu en novembre 2021. L’objectif ? « Impacter concrètement les projets de bassines et leur construction. »
De leur côté, les autorités se sont aussi préparées et le face-à-face risque d’être très tendu, dans un contexte de mobilisation sociale déjà très intense. Le 17 mars, la préfecture des Deux-Sèvres a publié un arrêté interdisant manifestations et attroupements dans 18 communes, dont Mauzé-sur-le-Mignon et Sainte-Soline.
Le même jour, Julien Le Guet, porte-parole de Bassines Non Merci, était placé en garde à vue puis déféré devant le parquet de Niort. Il a été placé sous contrôle judiciaire et a interdiction de paraître à Mauzé-sur-le-Mignon et Sainte-Soline jusqu’à son procès, prévu le 8 septembre. Une sentence « politique » à quelques jours de la mobilisation qui, l’espérait-il à sa sortie du tribunal, « ne va faire qu’amplifier le son de nos revendications ».
Pour aller plus loin
Avec le soutien de Politis, le documentaire De l’eau jaillit le feu de Fabien Mazzocco (76 minutes, 2023, production Mauvaises Graines & Mona Lisa Production, sortie nationale le 31 mai 2023).
Dans le marais poitevin, des milliers de personnes sont aujourd’hui engagées dans une lutte contre un projet de mégabassines. Fabien Mazzocco a filmé ce territoire et ses habitants pendant 20 ans et documente comment une zone paisible est devenue l’épicentre d’une véritable guerre de l’eau.
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