Immigration : les associations maintiennent la pression contre la loi « Darmanin »
Contexte social oblige, le gouvernement a repoussé l’examen du projet de loi asile et immigration, qui devait débuter le 28 mars au Sénat. Son contenu sera découpé en plusieurs textes présentés ultérieurement. Collectifs et associations maintiennent les mobilisations.
Le passage en force du gouvernement, qui a déclenché le 49.3 jeudi 16 mars pour faire passer sa très contestée réforme des retraites, a causé une première victime collatérale, avec l’abandon sine die du projet de loi immigration, dite « Darmanin », qui devait entamer son parcours législatif le 28 mars au Sénat.
Redoutant que ce texte n’ajoute de l’huile sur un feu social déjà très vif, et devant la probabilité forte d’échouer à réunir une majorité parlementaire pour son adoption, Emmanuel Macron lors de son entretien le 22 mars au journal de 13 h de TF1 et de France 2, officialise un changement de stratégie, en annonçant le découpage du projet « en plusieurs textes (…) dans les prochaines semaines ».
Simplification du droit s’asile, régularisations dans les métiers en tension, répression et exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), etc., les différents chapitres seront soigneusement découpés afin de faciliter leur adoption, via divers canaux législatifs et administratifs ad hoc selon leur teneur — propositions de loi, décrets, ordonnances, circulaires ou amendements, le futur de cette loi pernicieuse est encore incertain face à cette nouvelle esquive de l’exécutif.
L’objectif principal reste cependant le même : durcissement du regroupement familial, dégradation du droit du sol, affaiblissement de la protection des jeunes majeurs, démantèlement du droit au séjour des personnes étrangères malades, renforcement de la précarisation… Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin le résume clairement, qui voulait « un texte ferme contre l’immigration irrégulière ».
En dépit du retrait du projet de loi, les associations de défense du droit d’asile et pour la régularisation des sans papiers ont maintenu les rassemblements qui étaient prévus ces derniers jours un peu partout. Paris, Pau, Perpignan, Quimper, Rennes, Rouen, Saint Étienne…, des milliers de personnes se sont rassemblées, samedi 25 mars, à l’appel de La marche des solidarités et de l’UCIJ (Uni.es contre l’immigration jetable) qui dénoncent « une traque des migrant·es et sans-papiers et un durcissement de tous les aspects de leur situation ».
Cette lutte montre que les travailleurs partagent le même intérêt, peu importent leurs origines et leur couleur de peau.
Alors que l’actualité politique et sociale est très fortement dominée par la contestation de la réforme des retraites, qui a drainé plus massivement qu’eux, syndicats, mouvements sociaux, collectifs et associations revendiquent placer cette mobilisation sous les mêmes auspices.
Benoît Martin, au nom de l’intersyndicale parisienne, l’affirmait haut et fort, place de la République à Paris, ce 25 mars : « Nous appelons à unir nos forces et à manifester toutes et tous ensemble contre l’immigration jetable, contre la réforme des retraites, pour la dignité de tous les travailleurs et les travailleuses ».
Coup de barre tactique
Lors du départ du cortège, « pas de raison de distinguer les deux luttes », confiait un groupe de manifestants en situation irrégulière, pour le compte du Collectif des travailleurs sans-papiers du 17e arrondissement de Paris. Même conviction, pour Cécile, membre de la Gauche révolutionnaire et syndiquée à la CGT : « Cette lutte montre que les travailleurs partagent le même intérêt, peu importent leurs origines et leur couleur de peau. On revendique avant tout que les travailleurs aient tous les mêmes droits. C’est un combat pour l’égalité ».
Anzoumane Sissoko, porte-parole de la Coordination parisienne des sans-papiers, n’est pas dupe des raisons qui ont amené le gouvernement à un coup de barre tactique qui ne modifiera pas la philosophie générale du texte, dominée par le durcissement des conditions d’asile. « En scindant le projet en plusieurs parties, isolant les volets répressifs et sociaux, il compte amadouer à la fois la droite et la gauche. Nous avons bien compris la manœuvre, et c’est la raison pour laquelle nous appelons les mobilisations à ne pas faiblir. »
L’intention, c’est de trier encore plus radicalement les candidatures à l’immigration.
Mobilisé au sein du Collectif 20e solidaire avec tou·te·s les migrant·e·s, Mathieu renchérit. « Tout le contenu de ce projet de loi, et probablement ce qu’il y contenait de plus dégueulasse, va ressurgir, dans les prochaines semaines, au sein d’autres dispositifs législatifs. De quoi justifier que le mouvement social, plus que jamais, s’empare de la question du racisme et de l’égalité des droits. » Car pour Josiane, membre du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), c’est clair « l’intention, c’est de trier encore plus radicalement les candidatures à l’immigration ».
« Créer un ensemble fort »
Les militant·es se préparent d’ores et déjà à la bataille technique qui s’annonce. « Je sors d’une formation avec la Ligue des droits de l’Homme, on va suivre et décrypter tous les décrets un à un, rapporte abonde Chita, du collectif Fontenay diversité. Plusieurs avocats nous accompagnent. »
Points fixes en manifestation, soirées contre la « loi Darmanin », piquets de grève, sensibilisations, tribunes, communiqués de presse, assemblées générales : « le but est d’être présents, mobilisés dans la rue afin de créer un ensemble fort » affirme Fabien de l’association Droit au logement (Dal).
Les collectifs annoncent même de nouvelles dates de mobilisation. « Des sit-in vont voir le jour en avril, probablement », informe Fabien du Dal. Ce lundi 27 mars se tient une réunion publique de l’UCIJ, à Paris et en ligne, pour décrypter les intentions du gouvernement.
« Finalement, le report de ce projet de loi nous remobilise, constate Anzoumane Sissoko. Il nous montre que le gouvernement est en difficulté, que c’est le moment de faire pression et tenter de fédérer les syndicats, les jeunes, les retraités, les chômeurs ainsi que tous les mécontents, afin de montrer que nous sommes unis dans ces luttes ».
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