Retraites : la fable de la capitalisation

Élisabeth Borne n’a cessé de clamer vouloir sauver la « retraite par répartition », alors qu’en sous-main se prépare un nouvel élan donné à la retraite par capitalisation, fantasme des libéraux.

Jean-Marie Harribey  • 29 mars 2023
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Retraites : la fable de la capitalisation
© Mathieu Stern / Unsplash.

Faisant un bras d’honneur au mouvement social, le gouvernement français a imposé de force sa réforme des retraites. Élisabeth Borne n’a cessé de clamer vouloir sauver la « retraite par répartition », alors qu’en sous-main se prépare un nouvel élan donné à la retraite par capitalisation, en élargissant les facilités fiscales accordées à l’épargne-retraite.

Le Sénat avait même adopté un amendement demandant au gouvernement d’introduire dans son projet une « dose de capitalisation collective et obligatoire », toujours pour « compléter » le système par répartition. Et il ne se passe pas un jour sans que, dans les médias, on n’entende ou ne lise des plaidoyers en faveur de la « dose », nouvel euphémisme pour désigner la cannibalisation rampante d’un système par l’autre.

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L’Institut Sapiens, très libéral, et beaucoup d’éditorialistes en rajoutent quotidiennement une couche ; chez les idéologues du capitalisme, le mot « retraite » déclenche un réflexe pavlovien : « capitalisation ».

La novlangue néolibérale se déploie alors : 1) dans le système par répartition, les actifs paient la pension des retraités ; 2) or il y a et il y aura de moins en moins d’actifs relativement aux retraités ; 3) donc ce système est à bout de souffle ; 4) heureusement, dans un système par capitalisation, chacun place son argent pour le récupérer plus tard grandi ; 5) conclusion : avec ce système, on échappe aux contraintes démographiques et au ralentissement de la productivité du travail.

Emmanuel Macron fait un pas de plus pour atteindre le Graal de Margaret Thatcher : « La société n’existe pas. »

Or : 1) au moment de verser des pensions, les fonds de pension vendent aux travailleurs actifs les titres qu’ils ont achetés antérieurement pour le compte de leurs épargnants ; 2) ce sont donc toujours les actifs qui les paient lorsqu’elles sont liquidées parce que la source de la valeur distribuée reste le travail du moment et qu’on ne congèle pas les revenus d’aujourd’hui pour les retraites de demain ; 3) la contrainte démographique et la contrainte de productivité s’imposent inéluctablement à tout système ; 4) les pensions confiées aux marchés financiers seront tôt ou tard victimes d’un Trafalgar spéculatif ; 5) si le rendement financier d’un système de retraite par capitalisation apparaît supérieur à celui d’un système par répartition, c’est qu’une détérioration du partage de la valeur ajoutée en faveur des rentiers s’opère ; contrairement à ce que raconte la fable de la capitalisation, quand l’économie ne croît que de 1 % par an, si le rendement financier augmente de plus de 1 %, c’est que les travailleurs auront été spoliés dans leur salaire ou leur emploi.

Si un tel système était étendu, les travailleurs seraient placés dans une situation schizophrénique intenable : défendre leur salaire et leur emploi ou bien leur rente.

La diminution des retraites collectives symbolise l’impact de la financiarisation de l’économie capitaliste sur l’ensemble des rapports sociaux. Emmanuel Macron fait un pas de plus pour atteindre le Graal de Margaret Thatcher : « La société n’existe pas. »

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