Les Béruriers sont les rois
Anticapitalisme, antifascisme, antiracisme, antisexisme, antispécisme : il y avait déjà beaucoup, dans les pratiques des Bérus, de ce qui, idéalement, nous organise.
dans l’hebdo N° 1749 Acheter ce numéro
Nous sommes quelques-un·es pour qui Bérurier Noir (BN), devenu au mitan des années 1980 le groupe phare de ce qu’il fut alors convenu d’appeler le « rock alternatif » (et l’un des seuls à n’avoir jamais accepté aucun[e] compromis[sion], jusqu’à son autodissolution en 1989) – nous sommes quelques-un·es, disais-je, pour qui Bérurier Noir a été, dans un temps que les moins de pas mal d’ans ne peuvent donc pas connaître, un groupe important, non tant parce qu’il accélérait par des moyens minimalistes (boîte à rythmes, chant, guitare, saxo, chœurs énervés) la pulsation de nos existences que parce qu’il nous a aidé·es à nous structurer – amicalement, humainement, politiquement, socialement, etc.
Anticapitalisme, antifascisme, antiracisme, antisexisme, antispécisme : il y avait déjà beaucoup (1), dans les pratiques des Bérus, de ce qui, idéalement, nous organise. (Et il y a, dans le souvenir du temps où l’un des cris de ralliement de ce « troupeau de rock » était que « la jeunesse emmerd[ait] le Front national », l’amère mesure, aussi, de ce que nous avons perdu…)
Selon des modalités qui peuvent évidemment être réexaminées à l’aune du temps passé.
Quatre décennies plus tard, les Archives de la zone mondiale, aimable label s’il en fut, republient, au fil des mois, l’intégrale d’une discographie essentielle (2) – Nada, premier maxi de Bérurier Noir, a été repressé en février, quarante ans (presque) jour pour jour après le premier concert du groupe, Macadam massacre a suivi, et six autres vinyles fort joliment colorés arriveront d’ici à novembre prochain : cela fait de quoi (re)découvrir, en attendant d’autres nouvelles, qu’en 2023 « les Béruriers sont les rois », comme ils l’étaient déjà en 1983.
Puis le temps a passé et, au tout début de ce siècle (3), un autre groupe a déboulé (dans lequel officiait notamment – car ce monde est petit – un ex-membre du service d’ordre rouge et noir des Bérus) : la Brigada Flores Magon (4), formation antifasciste éminemment déterminée, derrière qui s’est vite fédéré un nouvel enthousiasme.
Et plus précisément dans la toute fin du précédent.
Après quatre disques (enregistrés entre 1999 et 2007) et beaucoup plus de concerts que nous n’en pourrions compter ici, la Brigada s’était octroyé une longue pause. S’agissait-il de s’assagir ? Pas exactement, si l’on en juge par son tout nouvel album (5), où l’on retrouve, quinze ans plus tard, les mêmes caractères extrêmement efficaces et « pour toujours antifascistes » qui avaient installé le groupe au pinacle de la scène streetpunk, et une résolution intacte – où les appels à tenir « la première ligne » contre la droitisation générale n’empruntent qu’assez peu à la poésie romantique : « Faut pas fléchir, fais-les rôtir ! »
Ainsi nommée pour un hommage au révolutionnaire mexicain Ricardo Flores Magon.
Parce que bon : y a pas que Glenn Gould, dans la vie.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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