Les tueurs de planète
Si les rapports du Giec sont précieux et nécessaires, ils le seraient davantage s’ils se décidaient à dire que, pour garder notre planète, nous devons la purger du capitalisme.
dans l’hebdo N° 1751 Acheter ce numéro
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) est un organisme des plus respectables, qui aura puissamment contribué à nous faire prendre conscience de la réalité mortifère du dérèglement climatique, en même temps qu’il nous y habituait.
Ici, les mots importants sont bien sûr : « En même temps qu’il nous y habituait. »
En effet, par la publication régulière, depuis trois décennies, de rapports toujours plus alarmistes dont les auteurs et autrices constataient rituellement que leurs préconisations étaient d’un effet à peu près nul sur la marche funèbre du monde, et dont nous avons par conséquent fini par comprendre qu’ils n’étaient d’aucune réelle efficacité, le Giec nous a, de fait, accoutumé·es – bien malgré lui, sans doute – à l’intolérable, qui est, pour le dire tout nettement, que notre sursis se réduit jour après jour.
Son tout dernier rapport, qui répète une fois de plus que « le changement climatique est une menace pour le bien-être de l’humanité et la santé de la planète », et que, s’« il existe » encore « une fenêtre d’opportunité pour garantir un avenir vivable et durable pour tous », elle « se ferme rapidement », le confirme derechef : le Giec éprouve de la difficulté à nommer distinctement les responsables de tous nos maux.
Car qui détruit la planète et tue ses habitant·es, humain·es et autres qu’humain·es (1) ? Pas nous, assurément, qui, nonobstant que nous pressentons qu’ils ne suffiront pas, nous astreignons aux « petits gestes du quotidien (2) » par lesquels nous aidons – si peu que ce soit – au retardement de la catastrophe.
Copyright Corine Pelluchon.
Alors qui ? Les capitalistes, évidemment. Ce sont les capitalistes, évidemment, qui détruisent la planète et tuent ses habitant·es.
Garder l’eau de cuisson des oignons pour se laver les dents, éteindre la télévision (si par l’effet d’une durable étourderie on ne l’a pas encore supprimée) quand Gérald Darmanin s’exhibe encore sur une chaîne d’extrême droite, remplacer le papier toilette par les livres d’Éric Zemmour…
Pour l’évidente raison que, dûment instruit·es depuis trente ans, par les rapports du Giec, des effets de leur cupidité (et dûment averti·es que cette voracité nous assassine), ils ont bien sûr fait leurs comptes et constaté que, l’un dans l’autre et tout bien pesé, l’anéantissement de notre bonne vieille Terre (3) leur est infiniment plus profitable que son sauvetage – raison pour laquelle, après avoir sciemment contribué à semer le doute pendant quarante ans sur la réalité du changement climatique, TotalEnergies, parmi d’autres (mais avec une particulière obstination), continue par exemple d’investir massivement dans l’extraction d’hydrocarbures.
Copyright Archibald Haddock.
Redisons-le pour finir : les rapports du Giec sont précieux et nécessaires. Mais ils le seraient bien plus encore s’ils se décidaient enfin à dire l’évidence que, pour garder notre planète, nous devons d’abord, et de toute urgence, la purger complètement du capitalisme.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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