Toujours plus bas
Sur la liste des personnalités que la République veut célébrer cette année figure l’écrivain antisémite Maurice Barrès, calomniateur de Dreyfus. On ne saurait mieux mesurer l’effet de l’extrême-droitisation dont Emmanuel Macron est un très actif agent.
dans l’hebdo N° 1750 Acheter ce numéro
Rappelons-nous, ce n’est pas si vieux : c’était il y a (bientôt) six ans. Élu par des millions d’électeurs et d’électrices qui avaient voté pour lui pour empêcher la victoire d’une candidate d’extrême droite, Emmanuel Macron, chef de l’État français, avait gravement déclaré, au soir du 7 mai 2017, qu’il avait entendu ce message : « Je veux aussi ce soir avoir un mot pour les Français qui ont voté pour moi sans avoir nos idées. Vous vous êtes engagés et je sais qu’il ne s’agit pas là d’un blanc-seing. Je veux avoir un mot pour les Français qui ont voté simplement pour défendre la République face à l’extrémisme (1) : je sais nos désaccords, je les respecterai, mais je serai fidèle à cet engagement pris, je protégerai la République. »
On aura bien sûr noté que, déjà, le nouveau chef de l’État français, occultant que c’était bien à la mobilisation contre cette radicalité-là qu’il devait son élection, noyait l’extrémisme de droite dans « l’extrémisme » – contribuant ainsi un peu plus à sa banalisation.
Moyennant quoi, quelques mois plus tard, sa ministre de la Culture de l’époque préfaçait un Livre des commémorations nationales annonçant très posément que « la République » macroniste entendait « célébrer » en 2018 la mémoire de l’agitateur antisémite Charles Maurras et celle de l’écrivain collaborationniste Jacques Chardonne. Devant le tollé, que personne, au gouvernement, n’avait semble-t-il pressenti, ce répugnant projet fut vite abandonné.
Mais quelques nouveaux mois plus tard, en novembre 2018, Macron lui-même proclamait (2) tranquillement son intention d’« honorer » la mémoire du « grand soldat » Pétain – avant de renoncer derechef, après un nouveau charivari, à ce sordide dessein.
Peu de temps après avoir mis en scène son amicale proximité avec le très (très, très) droitier vicomte Philippe Le Jolis de Villiers de Saintignon, adepte de la fantasmagorie du « grand remplacement ».
Était-ce fini, complètement ? Non point. Réélu par des millions d’électeurs et d’électrices qui ont voté pour lui pour empêcher la victoire d’une candidate d’extrême droite, Emmanuel Macron, chef de l’État français, a très gravement déclaré, au soir du 24 avril 2022, qu’il avait entendu leur message : « Je sais […] que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi non pour soutenir les idées que je porte mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite. Je veux ici les remercier et leur dire que j’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir. »
Mais, si nous consultons la liste « des personnalités, des œuvres ou des événements marquants de l’histoire de France » que la République macroniste veut célébrer cette année, nous trouvons, à la date du 4 décembre prochain, le nom de l’écrivain antisémite Maurice Barrès, calomniateur fanatique du « traître » Dreyfus – avec « sa figure de race étrangère, sa roideur, toute son atmosphère ».
Et là, ça passe crème : on ne saurait mieux mesurer l’effet – en même temps que la réalité – de l’extrême-droitisation dont Emmanuel Macron est depuis (bientôt) six ans un très actif agent.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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